En chair et en os : un nouveau partenariat de recherche entre Ottawa et Liège explore les droits du corps humain

By Civil law

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Mariève Lacroix et Frédéric Bouhon
Comment la loi traite-t-elle le corps humain? Fait-elle la distinction entre le corps et la personne à qui il appartient? Comment déterminer qui peut exercer un contrôle sur un corps? Une nouvelle collaboration, qui fait le pont entre les contextes juridiques canadien et belge, étudiera les droits du corps humain.

Dans le cadre d’une entente spéciale entre la Section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et la Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie de l’Université de Liège, la professeure Mariève Lacroix a été nommée titulaire d’une chaire de recherche collaborative qui aura son équivalent à l’Université de Liège sous la direction du professeur Frédéric Bouhon. La Chaire-miroir Ottawa-Liège : Les droits du corps jettera les bases d’une recherche collaborative sur l’exploration des droits public et privé du corps humain.

Historiquement, les courants dominants de la pensée juridique percevaient l’abstraction juridique d’une « personne » – à qui la loi s’applique – et son corps physique comme un tout. Toutefois, la fusion de la « personne » et du « corps » s’est de plus en plus complexifiée dans le discours juridique moderne, notamment à cause de l’émergence dans notre culture et nos lois des limites du contrôle d’une personne sur son propre corps. Autant au Canada qu’en Belgique, le rôle des droits fondamentaux, particulièrement en ce qui a trait à l’autonomie individuelle, a grandement évolué dans les dernières décennies. Mais ce concept d’autonomie va à l’encontre de certaines mesures juridiques qui touchent ce qu’une personne fait de son corps. Pensons par exemple à l’isolement forcé durant la pandémie, ou même à la transgression de la liberté au nom de la sécurité publique. Cette nouvelle collaboration entre la professeure Lacroix et le professeur Bouhon vise à étudier les tensions entre le droit à l’autonomie individuelle et les règles de droit régissant le contrôle du corps – par soi, par les autres et par les autorités de l’État. 

Mariève Lacroix et Frédéric Bouhon
La professeure Mariève Lacroix et le professeur Frédéric Bouhon

Le programme de recherche de la Chaire-miroir s’articule autour de trois grands axes : le corps contraint, le corps mutant et le corps relationnel. En ce qui concerne le corps « contraint », l’équipe de recherche s’intéresse à divers types de contraintes auxquelles peut être soumis le corps humain. Un corps malade ou handicapé, par exemple, pourrait ne pas bouger aussi librement que l’on pourrait s’y attendre, tandis qu’un corps incarcéré ou isolé conserve toutes ses fonctions, mais se voit imposer des contraintes externes. Comment les courants de pensée juridique du XXIe siècle perçoivent-ils ces contraintes à l’autonomie individuelle? Comment appuient-ils les corps restreints de l’intérieur, et comment justifient-ils les contraintes externes?

Le corps « mutant » intéresse la professeure Lacroix et le professeur Bouhon par sa manière de se métamorphoser. Le corps grandit au fil d’une vie et passe par des transformations perpétuelles jusqu’à la mort. Mais des interventions externes, qu’elles soient délibérées ou non, peuvent apporter de grands changements à un corps. Certaines transformations, qui demandent d’importantes interventions chirurgicales, sont particulièrement motivées par le désir d’améliorer son apparence ou bien de faire coïncider son genre perçu à son apparence sexuelle. Comment la loi appuie-t-elle ou encadre-t-elle ces transformations? Comment régit-elle les enjeux liés à la mort, la transformation ultime du corps?

Pour le corps « relationnel », l’équipe de recherche se penche sur la manière dont le corps sert de véhicule aux relations. Une personne entretient tout d’abord une relation avec son propre corps, mais ce dernier est également au centre des relations avec les autres. Même indépendamment des contacts avec les autres, le corps est un élément important de l’identité et de la manière dont une personne s’exprime et s’expose au monde. Quels obstacles la loi impose-t-elle au développement de ces relations? Pour quelles raisons explicites ou implicites?

Par le prisme de ces trois axes, la professeure Lacroix et le professeur Bouhon étudieront les diverses réalités juridiques au Canada et en Belgique, où des facteurs sociaux, culturels et réglementaires complexifient les différentes notions de contrôle sur le corps humain. La structure de la Chaire-miroir permet un libre échange d’idées et apporte de nouvelles perspectives à ces enjeux actuels.

Par leur vision commune, l’équipe de recherche ciblera de tels enjeux et visera à faire avancer les connaissances sur la manière dont le corps interagit avec la loi, en offrant à la fois des considérations théoriques et des solutions pratiques aux personnes se heurtant à des questions complexes en lien avec le corps humain.

Félicitations à la professeure Lacroix et au professeur Bouhon! Au plaisir de voir l’évolution de ce programme de recherche!