Une étude de portée menée par le Projet canadien de théorie du curriculum met en lumière l’omniprésence du racisme dans les programmes scolaires généraux et d’importants retards dans les initiatives antiracistes dans les programmes d’enseignement des sciences au Canada.
Dirigée par le chercheur principal Nicholas Ng-A-Fook, professeur à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, une équipe de recherche composée de Patrick Phillips, Rieley M. O’Leary, Marcus G. Parley et Patrick R. Labelle, en collaboration avec Awad Ibrahim, Lerona Dana Lewis et Tricia McGuire-Adams, a entrepris d’examiner l’étendue, la portée et la nature des activités et des pratiques de recherche sur l’antiracisme et l’enseignement des sciences au Canada, en mettant l’accent sur l’enseignement de la génétique et de la génomique, de même que sur le niveau de connaissances acquises dans ces domaines.
Voici les principaux constats :
- L’essentialisme génétique constitue un problème majeur dans la formation des enseignants et enseignantes, l’enseignement des sciences et les politiques encadrant les programmes scolaires. Nous arrivons tous et toutes en classe de sciences avec une compréhension implicite du concept de « race » et des notions de génétique, acquises dans les médias de masse et les cours d’introduction à la génétique. Pour la plupart, les étudiantes et étudiants à l’université qui suivent des cours d’introduction aux sciences ne reçoivent qu’un enseignement de base en génétique, ce qui, même dans le cas de programmes prétendument progressistes, peut servir à renforcer ou à inculquer la croyance en un fondement biologique de la « race ». Si l’on ne porte pas attention à cette pensée réductrice et essentialiste, des croyances racistes risquent de contaminer les pratiques et les politiques, passées, présentes et futures.
- Le cloisonnement disciplinaire limite la possibilité de remettre dans leur contexte social, culturel et historique les connaissances en génétique et en génomique. Dans l’enseignement des sciences de la maternelle à la 12e année, les contextes socioculturels ou historiques de la « race » sont souvent relégués (si tant est qu’ils soient abordés) aux programmes d’histoire et de sciences humaines. Cependant, les catégorisations biologiques de la « race » sont encore utilisées pour enseigner les concepts génétiques de base ou pour expliquer les différences entre les humains. Souvent, les élèves restent donc implicitement sous l’impression que la « race » est toujours considérée comme un concept biologique, ce qui permet à des mythes dangereux de persister dans l’esprit du public.
- Au Canada, il n’existe pas d’études ou de programmes de recherche sur l’enseignement des sciences qui analysent et synthétisent la façon dont les diverses formes de racisme et la logique coloniale, ainsi que leurs préjugés respectifs, ont façonné les conceptions ou les débats (historiques ou contemporains) sur l’essentialisme génétique et les formes de racisme qui en découlent, tant dans l’enseignement de la génomique que dans les connaissances que possèdent les gens à ce sujet.
- Les établissements d’enseignement (de la maternelle à l’université) à prédominance blanche continuent de perpétuer un enseignement et des programmes de sciences qui limitent souvent les possibilités de faire des études pour les membres de diverses communautés non blanches racisées en quête d’équité. La plupart des étudiantes et étudiants qui se dirigent en sciences arrivent dans les établissements d’enseignement supérieur sans avoir abordé les notions de racisme et d’antiracisme en génomique. Les disciplines axées sur la génomique sont souvent dominées par une logique coloniale blanche. En parallèle, la persistance du déterminisme génétique, présenté comme une catégorie biologique de la race, renforce les croyances selon lesquelles les personnes racisées non blanches ont un ADN différent de celui du reste de l’humanité.
- La création, le soutien et la mise en œuvre de programmes d’enseignement des sciences qui transmettent aux étudiantes et étudiants des connaissances en génomique empreintes d’humanité réduisent le risque et les dangers de perpétuer les idées de l’essentialisme génétique. L’enseignement de la génomique et de la génétique endosse l’ordre actuel et les valeurs culturelles, maintenant l’impression que la race est une notion anhistorique qui explique la différence humaine plutôt qu’un concept qui change selon les époques, ce qui nous empêche de porter un regard critique sur la technologie, actuelle et future, et sur le fait qu’elle pourrait être utilisée à mauvais escient.
« Les établissements à prédominance blanche perpétuent souvent des programmes qui marginalisent les communautés non blanches racisées, exacerbant ainsi les inégalités systémiques »
Nicholas Ng-A-Fook
— Professeur titulaire et vice-doyen des études supérieures, Faculté de l'éducation
« Chose étonnante, il n’y a que peu recherches dans le domaine de la pédagogie au Canada qui se penchent sur l’effet des idéologies coloniales et de l’essentialisme génétique sur l’enseignement de la génomique », explique le professeur Ng-A-Fook. « Les établissements à prédominance blanche perpétuent souvent des programmes qui marginalisent les communautés non blanches racisées, exacerbant ainsi les inégalités systémiques. »
La présente étude de portée invite les enseignantes et les enseignants de sciences à s’inspirer d’une culture de la génomique à la fois antiraciste et empreinte d’humanité, ainsi que de méthodes d’enseignement interdisciplinaires, pour co-créer un programme de sciences véritablement inclusif. Elle jette les bases des futures recherches sur la formation des enseignantes et enseignants et sur l’enseignement des sciences, et encourage les initiatives politiques visant la création de milieux d’enseignement et d’apprentissage antiracistes où règne l’équité. Lire la version intégrale du rapport .