La deuxième chance de Mehrak Hazaveh

Gazette
Mehrak Hazaveh a reçu son diplôme en droit à la collation des grades du mardi 12 juin. Il s’en est fallu de peu pour que ce moment n’arrive jamais.

Par Linda Scales

En voyant Mehrak Hazaveh traverser la scène pour accepter son diplôme à la collation des grades du 12 juin, personne n’aurait pu voir ses blessures cachées. Elles sont pourtant la preuve de son courage, de sa résilience et de sa persévérance. Car ce moment aurait très bien pu ne jamais arriver.

Native de l’Iran, Mehrak a débuté ses études de droit en 2011. Mais quelques mois seulement après le début des cours, un grave accident de voiture a fait dérailler son projet de suivre le programme de J.D.-MA (affaires internationales) en français. En plus de s’être fracturé la colonne et cassé une jambe à deux endroits, Mehrak a subi une violente commotion cérébrale et de nombreuses autres blessures.

Un soutien salutaire

Seule au Canada, séparée de sa famille qui ne pouvait venir à son chevet, Mehrak se sentait perdue. Elle s’est néanmoins rendu compte qu’elle pouvait compter sur le soutien d’amis, de voisins et de connaissances, dont Amanda Turnbull, doyenne adjointe de la Section de common law, qui l’a informée que la Faculté lui réserverait sa place au programme pendant deux ans. « Je lui en serai à jamais reconnaissante », exprime notre nouvelle diplômée.

Malheureusement, vu la gravité de ses blessures, deux ans n’ont pas suffi.

Après plus d’un an à l’hôpital, Mehrak a passé neuf mois dans une maison de soins de longue durée privée, un endroit où elle n’aurait jamais imaginé vivre. « Au début, c’était très difficile, mais en fin de compte, ça a été une expérience intéressante », avoue-t-elle. Une expérience qui a même eu du bon : en plus de tenir compagnie aux résidents plus âgés, la jeune femme a pu leur enseigner certaines choses, dont l’art d’utiliser Skype. En retour, elle dit avoir appris des leçons qu’elle n’aurait jamais pu apprendre autrement, comme ce qui compte le plus pour les personnes âgées. Et cela l’a grandement aidée, selon elle.

« Je ne pensais jamais retourner étudier de nouveau en droit », poursuit Mehrak, qui a repris ses études en 2013, après avoir pris du mieux. Elle a toutefois choisi le programme en anglais puisque son accident avait fait disparaître son français sans pour autant affecter ses quatre autres langues (farsi, espagnol, suédois et anglais). Elle ignore pourquoi, mais affirme souffrir de troubles sévères de la mémoire depuis sa commotion cérébrale.

Accommodements

Mehrak raconte que le Service d’accès l’a beaucoup aidée, notamment par l’octroi de temps supplémentaire pour faire ses examens en raison de ses problèmes de douleur chronique, de stress post-traumatique et d’anxiété. Comme elle ne pouvait plus étudier à temps plein, elle a dû faire une croix sur le programme de J.D.-M.A. 

C’est lors d’un examen en droit contractuel qu’elle a vécu sa pire expérience à l’Université d’Ottawa. Au retour d’une pause autorisée afin qu’elle puisse manger et prendre des calmants, Mehrak n’arrivait plus à se souvenir où elle en était dans ses réponses, même si elle savait très bien ce qu’elle voulait dire. « Il ne me restait que 45 minutes », relate-t-elle en se remémorant sa panique lors de cet examen de quatre à cinq heures. Après avoir rapidement feuilleté les cahiers de réponses qu’elle avait déjà remplis, elle s’est mise à écrire fébrilement. Elle a passé son cours, mais en a gardé des séquelles : « Après, à chaque examen, j’avais peur de faire une crise de panique. »

Malgré ses problèmes de santé et tout ce qu’elle a vécu au cours des six dernières années, Mehrak envisage l’avenir avec optimisme. Elle songe à faire carrière dans le droit de l’immigration, un domaine qu’elle connaît déjà pour avoir brièvement travaillé comme bénévole dans le cadre du Programme d’appui au parrainage de réfugiés (en anglais). Elle ajoute qu’elle aime la personne qu’elle est devenue après toutes ces épreuves.

« Je vois mes études en droit comme la seconde chance que je ne croyais jamais avoir », conclut-elle. « Mon objectif n’était pas d’accumuler les A+ ou d’être première de classe. J’étais simplement heureuse d’assister à mes cours! »