Des diplômés créent des masques réutilisables pour contrer la propagation de la COVID-19

Gazette
Sarah Abood (à gauche) et Sami Dabliz (à droite), cofondateurs de Thawrih, portent leurs nouveaux masques protecteurs.
Copropriétaires d’une entreprise d’accessoires et de vêtements de sport pour athlètes musulmanes et sikhs, deux diplômés utilisent les retailles de leur collection pour faire des masques et contrer la propagation de la COVID-19.

Surtout connue pour ses accessoires et vêtements de sport pour athlètes musulmanes et sikhs, l’entreprise ottavienne Thawrih utilise aujourd’hui ses retailles pour créer des masques et offrir une mesure de protection de plus contre la COVID-19.

À la fin de février 2020, les cofondateurs de Thawrih, Sarah Abood et Sami Dabliz, se sont envolés vers la Silicon Valley pour promouvoir leur entreprise au concours international de présentation de projets d'affaire SoGal.

Le Canada venait alors tout juste de confirmer son premier cas de COVID-19 lié à un voyage ailleurs qu’en Chine continentale. La situation n’était pas encore considérée comme une pandémie, et l’expression « distanciation sociale » ne faisait pas encore partie du langage quotidien.

Avant de rentrer au bercail, Sarah Abood cherchait à se procurer un masque à porter à bord de l’avion, mais peine perdue – elle n’en trouvait nulle part.

À leur retour des États-Unis, les deux diplômés ont appris que la baie de San Francisco était un foyer d’infection de la COVID-19; par mesure de sûreté, ils ont décidé de s’isoler pendant deux semaines.

« Ce que j’ai trouvé de plus difficile de mon isolement, c’était peut-être de ne pas pouvoir aller m’entraîner », affirme Sarah en riant. « Avant de lancer Thawrih, Sami et moi étions entraîneurs personnels; on s’entraîne habituellement trois heures par jour. Le gym est donc une importante partie de notre vie. Au terme de ces deux semaines, comme nous nous préparions à reprendre l’entraînement, toutes les entreprises ont interrompu leurs activités. »

Adapter l’entreprise aux aléas de la vie

Pendant leur temps d’arrêt, Sarah a appelé une de ses employées pour voir si elle pouvait fabriquer quelques masques protecteurs à partir des retailles de leurs hijabs et turbans de sport.

Au départ, ces masques n’étaient que pour leur utilisation personnelle; ils en ont aussi donné quelques-uns à leurs proches. Mais après quelques visites à l’épicerie, où d’autres clients s’empressaient de lui demander comment elle s’était procuré le sien, Sarah s’est rendue à l’évidence que les besoins en masques protecteurs étaient à la fois considérables et criants.

Les choses sont tombées en place. Sarah et Sami avaient à cœur de s’assurer que leurs douze employés – tous de nouveaux immigrants – aient les revenus nécessaires pour traverser la crise en dépit du déclin des ventes. Fabriquer des masques à partir de retailles était une façon tout indiquée de redonner à la communauté et d’alimenter leurs employés en travail.

« Nos employés produisaient déjà les vêtements de sport depuis leur domicile, confirme l’entrepreneure. Sans vouloir faire de jeu de mots, la transition s’est faite sans accroc. »

La responsabilité sociale, le fil conducteur

Le SportsMask de Thawrih est conçu pour les personnes en santé qui cherchent à rehausser leur protection tout en pratiquant l’éloignement social. Fait d’une double épaisseur de matières organiques à séchage rapide, le masque est léger et lavable; il se décline aussi en plusieurs couleurs.

« C’est un produit pour le public général, explique Sarah. L’idée, c’est de réserver les masques médicaux pour les professionnels de la santé qui en ont besoin. Ce dont la population générale a besoin, c’est d’une protection qui les empêche de respirer les sécrétions et les particules. »

L’entreprise travaille aussi à un nouveau type de masque qui s’attachera derrière la tête plutôt que de s’accrocher aux oreilles; il conviendra alors davantage aux personnes qui portent des hijabs ou des turbans.

Thawrih a déjà vendu plus de 800 masques à Ottawa, mais l’initiative n’est pas une question de profits. Sarah explique que son entreprise a toujours eu pour philosophie d’aider lorsque faire se peut. Le prix des masques comprend les frais de livraison, le produit lui-même et le salaire de la main-d’œuvre.

« C’est inquiétant de se retrouver en pleine pandémie. Nous voulions vraiment faire quelque chose pour la communauté. Nous avons la capacité de venir en aide au public, d’aider l’économie en continuant d’exploiter notre entreprise, et d’appuyer nos employés qui n’ont pas vraiment d’autres options côté emploi. »

Un couple d’action voué à valoriser les autres

Sarah Abood et Sami Dabliz se sont rencontrés pendant leurs études à l’Université d’Ottawa. Sarah étudiait la science économique et a depuis obtenu son diplôme de la Faculté de sciences sociales en 2018; Sami travaille à terminer son baccalauréat spécialisé en sciences de l’activité physique à la Faculté des sciences de la santé.

Peu s’étonneront d’apprendre que le couple s’est rencontré au centre de conditionnement physique du Complexe sportif Minto en 2016. Ils ont fondé leur entreprise d’accessoires et de vêtements de sport au début de 2017 – aujourd’hui, le couple est fiancé.

En créant Thawrih, le couple aspirait à promouvoir « l’unité par l’activité ». En tant qu’entraîneurs personnels, ils ont souvent entendu leurs clients leur confier qu’ils avaient du mal à trouver des accessoires adaptés à la vie sportive. Ce facteur les empêchait même parfois de s’entraîner.

En fabriquant une gamme de hijabs et de turbans de sports, Sarah et Sami voulaient rapprocher les cultures et donner aux gens les moyens de se mettre à l’activité physique.

« Nous avons lancé l’entreprise à une époque où il se passait beaucoup de choses dans le monde quant aux droits des femmes et au printemps arabe, relate Sarah. Nous cherchions à donner à notre entreprise un nom évocateur, mais qui ne voudrait pas nécessairement dire grand-chose au grand public – un mot singulier. »

En arabe, Thawrih signifie « ma révolution ».

« Ce qu’on veut, c’est que les gens puissent avoir leur propre révolution, découvrir qui ils sont, gagner en confiance quand ils s’entraînent et s’assumer dans leur peau – c’est d’ailleurs notre slogan. On veut avant tout valoriser différentes cultures partout dans le monde et les encourager à faire du sport. »