Une équipe de l’Université d’Ottawa effectue une percée majeure dans la compréhension de la communication entre les nerfs stimulés et les muscles

Par David McFadden

Rédacteur scientifique, Université d'Ottawa

Neuromuscular junction
Les résultats de cette recherche pourraient avoir des implications considérables pour notre compréhension de l'interaction entre les nerfs et les muscles dans tout le corps.

Une équipe de recherche internationale, menée par un professeur de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, a mis en évidence des subtilités très précises du mécanisme d’activation des signaux nerveux à la jonction neuromusculaire – une synapse spécialisée qui relie les motoneurones aux fibres musculaires squelettiques.

Cette découverte change complètement la façon d’aborder la transmission des signaux neuromusculaires à l’échelle de la milliseconde et procure des résultats qui pourraient s’avérer très utiles afin de mieux comprendre les interactions entre les nerfs et les muscles dans tout le corps. Elle pourrait aussi aider les scientifiques à mettre au point des médicaments pour traiter divers troubles musculaires causés par des mutations pathogènes.

L’équipe de collaboration, dont les travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue Science, était dirigée par le professeur John Baenziger, de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Elle a utilisé des techniques à « molécule unique » révolutionnaires afin de définir plusieurs structures à l’échelle atomique d’un récepteur de neurotransmetteurs durant son processus d’activation.

Résoudre un casse-tête structural

L’équipe a réussi à mettre le doigt sur un chaînon manquant : un « état de préparation » intermédiaire qui aide à établir la communication entre les nerfs et les muscles.

« Cette nouvelle structure intermédiaire est extrêmement importante puisqu’elle joue un rôle crucial dans la communication neuromusculaire, explique le professeur Baenziger, auteur principal de l’article publié récemment. Notre étude brosse un premier portrait de cet intermédiaire clé de la voie d’activation et, plus précisément, de l’étape de "préparation". »

Baenziger

« Nous souhaitons utiliser ces nouvelles structures comme modèles pour concevoir de meilleurs traitements »

Le Dr John Baenziger

Puisque des récepteurs protéiques semblables se trouvent dans le cerveau, cette « nouvelle percée influence grandement notre compréhension de la communication au niveau des synapses », poursuit M. Baenziger.

Briser les mythes

Selon le professeur Baenziger, la nouvelle étude novatrice et les découvertes connexes à l’échelle atomique dissipent un mythe scientifique de longue date.

En effet, depuis plus de 50 ans, on présumait que les récepteurs protéiques étaient activés par un phénomène appelé « changement de conformation concerté ». On croyait que toutes les parties de la protéine changeaient de façon synchronisée, pour parvenir à un état final activé. Ce modèle de changement de conformation concerté a donc été utilisé pour tenter de comprendre comment des mutations pathogènes ou des médicaments modulaient la fonction. 

Dans sa publication scientifique majeure, l’équipe affirme toutefois que l’on faisait fausse route.

Son travail acharné a en effet mené à la conclusion que les composantes individuelles du récepteur protéique se déplacent plutôt de manière asynchrone, ce qui signifie que certaines bougent avant d’autres.

« Ces données seront essentielles pour comprendre comment certaines mutations pathogènes et différents médicaments modulent la communication neuromusculaire, précise M. Baenziger. En fin de compte, elles devraient permettre de concevoir des médicaments plus efficaces pour traiter les syndromes myasthéniques congénitaux et d’autres maladies résultant d’une communication synaptique altérée. »

Prochaines étapes

Le laboratoire dynamique de M. Baenziger à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa s’intéresse à l’influence du récepteur nicotinique de l’acétylcholine (nAChR) sur la communication au niveau de la jonction neuromusculaire. Ce récepteur est un membre important d’une famille de protéines qui a fait l’objet de nombreuses études, en grande partie parce que la compréhension de sa fonction peut aider à ouvrir la voie à des traitements de troubles neurologiques et neurodégénératifs.

Forts de leur découverte, M. Baenziger et son équipe collaborative espèrent réussir à comprendre pleinement l’influence subie par la fonction du nAChR dans le contexte de ce modèle d’activation. L’équipe cherchera à élucider les structures du récepteur qui abritent des mutations pathogènes et à évaluer leur réaction en présence de différents médicaments.

« Nous souhaitons utiliser ces nouvelles structures comme modèles pour concevoir de meilleurs traitements », affirme M. Baenziger, professeur titulaire au Département de biochimie, microbiologie et immunologie de la Faculté.

Les nouvelles structures ont été déterminées par Mackenzie Thompson, premier auteur, qui était jusqu’à tout récemment doctorant dans le laboratoire de M. Baenziger, et qui est aujourd’hui chercheur postdoctoral à l’Université de Californie à Berkeley.

L’équipe a également travaillé en collaboration avec M. Hugues Nury et M. Elefterios Zarkadas, tous deux de l’Institut de biologie structurale, à Grenoble, en France, avec lequel M. Baenziger entretient des collaborations fructueusesCorrie daCosta, professeur à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa a également joué un rôle clé dans l’étude en intégrant des expériences fonctionnelles sophistiquées sur des molécules uniques.