Parlons du racisme systémique : une initiative étudiante pour amener le changement dans le monde universitaire

Gazette
Portrait de Karine Coen-Sanchez
Karine Coen-Sanchez , une étudiante au doctorat en sociologie, fait avancer la conversation sur le racisme systémique dans le milieu universitaire.

Le regain du mouvement Black Lives Matter a donné lieu dernièrement à de nombreuses discussions sur le racisme systémique et institutionnel partout dans le monde, incluant ici, à l’Université d’Ottawa. Karine Coen-Sanchez, doctorante en sociologie à l’Université, se mobilise avec d’autres membres de la communauté étudiante pour faire avancer la discussion dans le monde universitaire.

Comme elle le souligne, une étape fondamentale de la lutte contre le racisme est de nommer et comprendre les privilèges, les inégalités et les préjugés inhérents aux établissements d’enseignement supérieur, afin de créer un milieu où chaque personne a une chance égale de réaliser son plein potentiel.

Dans un entretien accordé à la Gazette, l’étudiante parle des changements qu’elle et ses homologues de l’Université souhaitent amener. Elle coordonne d’ailleurs ce mois-ci deux panels d’experts étudiants afin de faire porter les voix des étudiantes racisées et étudiants racisés. 

Qu’est-ce qui vous a incitée à organiser ces panels pour la communauté étudiante? 

J’ai pris l’initiative de créer ces panels pour offrir aux membres de la communauté étudiante racisée un espace sûr et accueillant où chaque personne peut discuter de racisme institutionnel et de suprématie blanche, et raconter leurs expériences en tant qu’étudiants diplômés noirs et racisés. Nous voulons sensibiliser les gens et discuter ouvertement des structures racistes implantées dans divers établissements et départements, ainsi que de leurs effets sur la progression dans le milieu universitaire. 

L’objectif est de faire porter notre voix, d’écouter et de poser des questions importantes. Quels sont les effets des structures racistes tant en ce qui a trait aux études que sur le plan affectif? Comment peut-on provoquer des changements durables et efficaces? Comment peut-on surmonter et corriger ces injustices, et créer un équilibre?

La parole seule ne suffit pas. Il est impératif pour nous, individuellement et collectivement, de travailler ensemble pour faire changer les choses. On ne mettra pas fin au racisme systémique d’un seul coup; il faut y travailler sans répit et tous ensemble pour obtenir des résultats. Le racisme qui est ancré dans les structures organisationnelles nécessite des solutions systémiques. Des panels comme ceux-ci sont la première étape vers l’élaboration d’un plan d’action pour le changement.

Quel intérêt ces discussions ont-elles suscité?

Le premier panel – Discussion sociologique : étudiant.es expert.es – qui a e lieu le 10 août, était d’abord destiné aux membres de l’École d’études sociologiques et anthropologiques de l’Université d’Ottawa. L’engouement a été tel qu’il a suscité l’intérêt bien au-delà de notre département et de l’Université. 

L’Association canadienne de sociologie (ACS) a eu vent de l’existence de ce panel et a souhaité faire de même pour favoriser une discussion sans filtre sur le racisme systémique et la suprématie blanche dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur. Je travaille donc en ce moment avec le sous-comité des Affaires étudiantes de l’ACS à l’organisation d’un autre panel à l’intention de la communauté étudiante racisée dans les universités canadiennes qui s’intitule « Parlons du racisme systémique » et qui aura lieu le 17 août. 

Qu’espérez-vous voir émerger de ces discussions?

L’objectif est de créer une sorte de mouvement à l’Université qui entraînera des changements correspondant aux besoins de la population étudiante. La solution passe notamment par la transformation des structures traditionnelles et la prise de conscience individuelle qu’il est nécessaire d’affronter ses propres préjugés non intentionnels, même si ce n’est pas facile. Il s’agit de développer ses réflexes pour appuyer l’inclusion des membres de la communauté étudiante, du personnel de soutien et du corps professoral qui s’identifient comme Noirs ou appartenant à un groupe racisé.

Il faut accroître la transparence des processus d’embauche, la représentativité et la diversité du corps enseignant, l’égalité des chances pour les membres du corps professoral racisés et les pratiques propices à l’essor d’un système d’éducation inclusif – dont le fait de d’encourager les professeurs à décoloniser leur curriculum. Fondamentalement, il faut mettre en place des protocoles organisationnels pour accroître la sensibilisation à la lutte contre le racisme ainsi qu’une structure de programmes qui permet aux étudiantes et étudiants racisés des cycles supérieures à progresser dans leur domaine de recherche. 

Les panels créés pour les étudiants racisés, par des étudiants racisés, est la première étape de ce processus. Nous voulons ensuite transmettre toutes ces expériences vécues et ces données à la direction de nos départements à l’Université et faire participer tout le monde, de tous les horizons, à la discussion qui mènera à un plan d’action.