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La professeure de communication Elizabeth Dubois décrit trois menaces qui planent sur la démocratie à l’ère numérique et nous incite à prendre part à deux événements qui se dérouleront sur le campus en novembre.
Elizabeth Dubois

Par Elizabeth Dubois

La professeure de communication Elizabeth Dubois décrit trois menaces qui planent sur la démocratie à l’ère numérique et nous incite à prendre part à deux événements qui se dérouleront sur le campus en novembre.


Les outils numériques comme les médias sociaux, les moteurs de recherche et les messageries instantanées sont de plus en plus utilisés à des fins politiques. Que ce soit pour lire les dernières nouvelles, connaître l’emplacement d’un bureau de scrutin ou donner son avis sur la dernière satire, les interactions en ligne revêtent maintenant une dimension politique.

Les discussions et l’engagement politiques sur le Web peuvent générer de bien bonnes choses. L’Internet et les médias numériques favorisent la formation et la mobilisation de communautés pour certaines causes, les campagnes visant à faire sortir le vote et l’accès à l’information. Mais l’union du numérique et de la politique comporte également des risques. Voici trois grandes questions auxquelles nous devrions réfléchir.

Premièrement, les plateformes comme Facebook, Google et Twitter sont politiques.

Même si vous ne les utilisez pas intentionnellement à cette fin, les plateformes numériques servent des intérêts politiques. Chaque jour, elles décident quelles personnes seront entendues et quels propos seront publicisés.

  • L’utilisation d’algorithmes par Google pour déterminer quel contenu apparaîtra en premier et quelles informations figureront parmi les résultats de recherche initiaux constitue une forme de contrôle de l’information.
  • Lorsque Facebook modifie son interface pour que les utilisateurs signalent les contenus qui sont faux à leurs yeux, il donne le pouvoir de décider quelles voix seront privilégiées et écoutées.
  • Quant à la formation sur la gestion du harcèlement en ligne offerte par Twitter aux femmes désirant se lancer en politique, elle permet de déterminer quelles personnes disposeront d’une tribune et quelles personnes seront au banc des accusés.

Les bulles de filtrage, la désinformation, les discours haineux et la littératie numérique suscitent des inquiétudes dans le discours public au sujet des répercussions d’Internet sur la démocratie. La conception même des plateformes joue un rôle énorme dans la façon de gérer ces phénomènes.

Deuxièmement, il est possible de jouer avec les algorithmes et de manipuler les informations vues par les internautes.

Nous avons besoin des algorithmes pour accéder directement aux informations pertinentes; le commun des mortels serait incapable à lui seul de filtrer les données. Or, la plupart des médias sociaux et des algorithmes de recherche sont conçus pour présenter aux utilisateurs le contenu le plus accessible et le plus facile à cliquer et à communiquer, et non pas le contenu le plus exact, le plus fiable et le plus utile d’un point de vue citoyen. 

En outre, les stratégies pour déjouer les algorithmes de façon à rendre un contenu visible sur le Web sont connues. Mentionnons entre autres l’optimisation des moteurs de recherche pour qu’un site Web apparaisse dans les premiers résultats de recherche sur Google. Et il y a bien d’autres stratégies, telles que les robots politiques, c’est-à-dire les comptes automatisés dans les médias sociaux ou d’autres plateformes, qui imitent les interactions humaines. Leur objectif est de leurrer les utilisateurs et les algorithmes pour envoyer des signaux qui amplifient ou diminuent l’importance de certains messages.

Troisièmement, les partis politiques recueillent et utilisent les renseignements personnels sans l’encadrement nécessaire.

Les partis politiques au Canada ont presque toujours recueilli des données sur les citoyens. Le porte-à-porte la journée du vote, par exemple, peut inciter les gens à se rendre au bureau de scrutin. Mais dans un environnement en ligne, nous laissons des traces de notre vie lors de chacune de nos interactions. Les partis politiques recueillent de plus en plus ces empreintes numériques.

Ce qui pose problème, c’est que les gens ne savent pas quels partis recueillent des renseignements, si cette pratique est appropriée et de quelle manière les partis peuvent utiliser ces données pour cibler (ou exclure) certaines personnes. Il s’agit d’un enjeu majeur sur le plan de la protection de la vie privée. Comme les partis politiques ne sont pas assujettis aux lois sur la protection des renseignements personnels, la population canadienne n’est pas protégée.

Il ne s’agit là que de quelques enjeux préoccupants. De nombreuses autres problématiques connexes doivent également être examinées. À moins d’un an des prochaines élections fédérales au Canada, il est temps d’amorcer ce genre de discussion. Deux grands événements se tiendront sur le campus ce mois-ci, qui porteront justement sur ces problématiques.