Contrairement aux méthodes d’apprentissage traditionnelles, comme la mémorisation de formules ou l’analyse de diagrammes statiques, le projet de recherche du doctorant offre aux enseignantes et enseignants de demain la chance de « vivre » les mathématiques en temps réel dans un espace virtuel en trois dimensions.
« Le mouvement et le raisonnement spatial sont au cœur de la compréhension des mathématiques, explique-t-il. Quand on a la possibilité de traverser un vecteur ou de le faire tourner dans ses mains, on commence à voir les mathématiques comme quelque chose de vivant et dynamique, et non d’abstrait et théorique. »
Cette entrevue a été réalisée dans le cadre de la série facultaire Les universitaires en éducation.
Parlez-nous de vous et de votre parcours.
Je suis candidat au doctorat à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, où j’explore des façons de mettre la technologie, en particulier la réalité virtuelle, au profit de l’expérience d’apprentissage. Avant de commencer mon doctorat, je donnais le cours d’anglais en contexte universitaire et je travaillais en communication stratégique sur les enjeux d’antiracisme, d’immigration et d’inclusion. J’ai un grand intérêt pour les langues, et j’ai travaillé à la fois comme traducteur et créateur de contenu.
En plus de mon parcours de chercheur en éducation, je suis titulaire d’un diplôme d’études supérieures en droit de l’immigration et de la citoyenneté de l’Université Queen’s, ce qui témoigne de mon intérêt pour l’inclusion, la mobilité et les systèmes sociaux. Ce qui me motive, au travail comme dans mes études, c’est mon désir d’aider les gens à composer avec des systèmes complexes, que ce soit en éducation, sur le plan des langues ou dans nos établissements. C’est ce qui m’a mené vers la recherche, où je tente de mieux comprendre comment concevoir des espaces d’apprentissage inclusifs, stimulants et efficaces pour divers types d’apprenantes et apprenants.
Sur le plan personnel, je suis parent, passionné des chiens et fasciné par la narration créative, surtout lorsqu’elle rapproche les cultures. Ces expériences contribuent à façonner ma vision de l’éducation comme processus vivant, relationnel et en constante évolution.
Présentez-nous votre projet de recherche doctoral.
Dans mon projet de recherche, j’explore des façons d’intégrer la réalité virtuelle à l’enseignement, et plus particulièrement dans le domaine des mathématiques. Je cherche surtout à déterminer, à l’aide d’environnements interactifs de réalité virtuelle, comment les enseignantes et enseignants en formation manipulent et comprennent les vecteurs, une notion importante des mathématiques de niveau secondaire. L’objectif est de voir si, avec la réalité virtuelle, on peut passer de la simple mémorisation à une réelle compréhension de la structure, du mouvement et des relations spatiales associés aux vecteurs. Pour ce faire, j’ai conçu une séance d’apprentissage par la réalité virtuelle de deux heures et demie, que j’ai intitulée MathVR. L’atelier compte une introduction, une activité pratique dans l’environnement de réalité virtuelle, un moment pour écrire ses réflexions et une discussion en groupe. J’analyse comment les pédagogues de demain s’expliquent les vecteurs dans un espace tridimensionnel et comment leur raisonnement évolue pendant et après l’expérience. Mon but est de trouver de quelle façon la technologie immersive peut soutenir l’apprentissage de l’enseignement et de trouver des moyens concrets d’utiliser la réalité virtuelle pour aider les gens qui apprennent toujours selon les méthodes traditionnelles à mieux comprendre et maîtriser les mathématiques.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à choisir ce domaine ?
Ce projet est à l’intersection de plusieurs de mes champs d’intérêt. J’ai toujours été curieux des processus d’apprentissage, particulièrement dans les mathématiques, une matière souvent dépeinte comme frustrante ou intimidante. Mon parcours en communication et en médias numériques m’a naturellement amené à m’interroger sur la façon dont la technologie peut changer notre manière de penser et d’apprendre. Ma première expérience de la réalité virtuelle immersive en enseignement m’a fait découvrir à la fois un nouvel outil et un nouveau type d’espace d’apprentissage. Cette technologie permet de voir, de parcourir et de ressentir les notions, ce qui est impossible sur papier ou sur un écran. Je me rappelle aussi à quel point j’avais de la difficulté en mathématiques quand j’étais plus jeune. J’arrivais à appliquer les formules, mais je ne comprenais pas réellement les concepts. Je me suis demandé : comment approfondir la compréhension des mathématiques chez les enseignantes et enseignants de demain? C’est cette question, en plus de mon désir de promouvoir l’équité en éducation, qui m’a mené vers ce projet.
À qui pourraient profiter vos travaux de recherche ?
J’espère tout d’abord que mes travaux profiteront aux étudiantes et étudiants en enseignement. Plusieurs appréhendent l’enseignement des mathématiques, et il y en a qui n’ont jamais abordé cette matière avec confiance et curiosité. Si mon projet pouvait les aider à approfondir leur compréhension des concepts, particulièrement ceux qui intègrent une notion spatiale, comme les vecteurs, leur manière d’enseigner serait possiblement transformée. Voilà qui profiterait également à leurs futurs élèves. J’espère aussi que mes travaux aideront les formatrices et formateurs en enseignement ainsi que les équipes de conception de programmes qui explorent les façons d’utiliser les technologies émergentes pour créer des expériences d’apprentissage enrichissantes. Dans une perspective plus globale, je vois mon projet comme une contribution à la discussion sur l’inclusion et l’innovation en éducation. Les classes de mathématiques actuelles ne servent pas tout le monde de façon égale. En repensant l’enseignement des mathématiques et la formation des pédagogues, on peut rendre l’apprentissage plus stimulant, accessible et efficace pour une plus grande diversité d’élèves.
Avez-vous eu des surprises en cours de route ?
Oui, l’une des choses les plus surprenantes à mes yeux a été l’engagement émotionnel des gens qui ont participé à l’expérience de réalité virtuelle. Je pensais que la plupart allaient se concentrer principalement sur les mathématiques, mais plusieurs ont évoqué avoir ressenti de la joie, de la curiosité, et même de l’émerveillement dans l’espace virtuel. Une personne m’a même avoué qu’elle venait enfin de comprendre pour la première fois à quoi ressemble réellement un vecteur. Cette expérience a complètement changé ma façon de voir le processus d’apprentissage et m’a montré que la compréhension n’est pas qu’intellectuelle : elle peut aussi être émotionnelle et physique. Se déplacer dans l’espace, faire tourner un vecteur dans ses mains ou survoler un plan peuvent aider à rendre concrets des concepts à la base abstraits. Je n’avais pas anticipé à quel point les sentiments et les sensations corporelles pouvaient transformer la compréhension des mathématiques. Cela m’a amené à intégrer à mon projet de nouveaux cadres de travail qui considèrent les émotions, le mouvement et les déplacements comme essentiels à l’apprentissage, et non plus comme de simples effets secondaires.
Au cours de vos études, un écrit ou une nouvelle idée a-t-il influencé votre réflexion ?
Un texte qui m'a beaucoup influencé est celui d'Audrey Macklin sur la citoyenneté et la notion d'étranger. Bien qu'il porte principalement sur le droit de l'immigration, il m'a amené à réfléchir profondément à la manière dont les systèmes, qu'ils soient juridiques ou éducatifs, peuvent exclure certaines personnes tout en prétendant être neutres. Cette réflexion m'a aidé à repenser mes propres recherches. Lorsque nous intégrons la technologie dans l'apprentissage, nous devons nous demander à qui elle est destinée, qui y a accès et qui est censé en faire partie. Sur le plan éducatif, j'ai été particulièrement inspirée par ma superviseure, la professeure Michelle Schira Hagerman, dont les travaux sur les littératies numériques, la pédagogie critique et l'apprentissage des enseignantes et des enseignants ont façonné ma perspective sur la technologie immersive dans l'éducation. Elle m'encourage à poser des questions plus profondes sur l'équité, l'autonomie et la conception dans les environnements d'apprentissage numériques. Son mentorat m'a aidé à comprendre comment des technologies telles que la réalité virtuelle peuvent favoriser des approches d'apprentissage plus concrètes, inclusives et réfléchies, qui vont au-delà de la simple transmission de contenu pour véritablement impliquer les apprenantes et les apprenants.
Pourquoi uOttawa ?
J’ai choisi l’Université d’Ottawa parce qu’elle offre la profondeur académique et l’approche interdisciplinaire que je recherchais. La Faculté d’éducation est reconnue pour encourager la pensée critique et pour soutenir la recherche innovante, notamment dans les domaines liés à l’équité, à l’inclusion et à la technologie. J’ai également été attiré par l’environnement bilingue de l’université et par son emplacement dans la capitale du Canada, où de nombreuses initiatives nationales et communautaires se rejoignent. Cet environnement m’a permis de travailler entre différents départements et de collaborer à des projets significatifs au-delà de ma thèse, y compris des travaux liés aux affaires autochtones et aux communications stratégiques. La communauté ici est dynamique, collaborative et bienveillante. C’est un lieu où je peux continuer à grandir en tant que chercheur, parent et expert en communication. La combinaison de ressources académiques solides et d’un environnement accueillant en a fait le bon choix pour moi. Je me suis senti véritablement soutenu ici, tant dans ma recherche que dans d’autres aspects de ma vie.
À propos de Babak Yazdani-Fazlabadi
Babak Yazdani-Fazlabadi est titulaire d’une maîtrise en linguistique appliquée et d’un diplôme d’études supérieures en droit de l’immigration et de la citoyenneté de l’Université Queen’s, ce qui élargit sa perspective interdisciplinaire sur l’éducation, l’inclusion et la mobilité. Il possède également une vaste expérience dans l’enseignement des langues, l’éducation multilingue et la communication stratégique.