Vivre avec la maladie de Parkinson : un entraînement de boxeur

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Une femme et un homme avec des gants de boxe lors d’une séance d’entraînement du programme Boxing4Health pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Démonstration du programme de boxe Boxing4Health pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Photo : Boxing4Health.
Lorsque tombe le diagnostic de Parkinson, de nombreuses questions surgissent. Ma mobilité sera-t-elle réduite? Comment apprivoise-t-on cette nouvelle « normalité »? Les manifestations de la maladie sont variables, nombreuses et changeantes. Il y a donc autant de réponses qu’il y a de personnes atteintes.

Julie Nantel, professeure et chercheuse à l’Université d’Ottawa, apporte une perspective et des réponses uniques à ces questions. Au cœur de ses recherches : le rôle méconnu de la partie supérieure du corps dans la stabilité posturale. Ses travaux l’ont amenée à établir des collaborations tout aussi uniques avec le programme de boxe Boxing4Health pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et avec l’Université de Waterloo pour la conception d’une semelle intelligente servant à contrer les blocages moteurs à la marche qui augmentent les risques de chute.

Le secret de ses découvertes : son approche centrée sur les besoins et les préoccupations des personnes atteintes, sa vision holistique de la maladie et ses collaborations interdisciplinaires. Elle invite toute personne atteinte de Parkinson à la contacter pour participer à ses recherches.

L’impact du mouvement des bras sur l’équilibre postural

Selon Julie Nantel, les bras jouent un rôle important dans notre équilibre postural. « Depuis longtemps, on regarde ce qui se passe du côté de la variabilité au niveau du membre inférieur, et il y a vraiment là des données qui sont importantes pour savoir comment on se stabilise, surtout quand on marche. En revanche, il y a vraiment très peu de personnes qui ont étudié le rôle du mouvement des bras », souligne la chercheuse.

Dans son laboratoire, des étudiantes et étudiants du premier cycle jusqu’au doctorat participent à ses études avec des personnes atteintes de Parkinson. La participation de toutes et tous permet une compréhension des différents aspects du mouvement, comme la symétrie, le rythme ou l’activité musculaire. Pour Julie Nantel, l’écoute est fondamentale. « Je cherche d’abord à saisir ce que les participantes et participants veulent savoir. Leurs idées et leurs besoins doivent être à la source des questions de recherche et de l’impact de celles-ci », souligne-t-elle. Elle croit que ce processus leur permet de mieux comprendre leur condition et l’effet des activités motrices qui leur sont présentées sur leur stabilité, leur mobilité et leur qualité de vie. Qui plus est, son laboratoire est une pépinière pour préparer la relève en recherche sur le Parkinson. 

Julie Nantel

« Je cherche d’abord à saisir ce que les participantes et participants veulent savoir. Leurs idées et leurs besoins doivent être à la source des questions de recherche et de l’impact de celles-ci. »

Julie Nantel

— Professeure et chercheuse à l’École de sciences de l’activité physique

La boxe : une approche novatrice pour travailler la stabilité

L’innovation motive la chercheuse; sa collaboration avec Christine Seaby, fondatrice du programme Boxing4Health, en témoigne. Julie Nantel explique que la boxe exige une amplitude des mouvements des bras et des jambes qui est en quelque sorte déstabilisante. Bref, il s’agit d’un environnement complexe pour travailler la mobilité, la coordination et la stabilité tout en stimulant l’attention. La professeure Nantel admet que les résultats sont rapidement visibles, mais pas permanents : le Parkinson demeure une maladie neurodégénérative. Les personnes atteintes doivent donc s’entraîner régulièrement pour continuer sur la bonne voie et ralentir la progression de la maladie. Les recherches de Julie Nantel orientent ainsi les programmes de Boxing4Health. 

Commercialiser une semelle intelligente pour prévenir les chutes

Julie Nantel s’intéresse au Parkinson depuis plus de 16 ans et comprend la nécessité de poursuivre des recherches sur le vieillissement, l’évolution du Parkinson, et le développement de programmes donnant aux personnes atteintes les outils dont elles ont besoin pour maîtriser leur nouvelle normalité et ralentir la progression de la maladie. Elle sait que la technologie, notamment les objets connectés, viendra sous peu s’ajouter à l’activité physique et aux traitements médicaux comme moyen d’offrir une meilleure qualité de vie. Elle travaille actuellement en collaboration avec Jonathan Kofman, professeur d’ingénierie de la conception des systèmes à l’Université de Waterloo, et Ed Lemaire, professeur de physiatrie et de réadaptation à l’Université d’Ottawa, sur une semelle intelligente permettant de détecter les blocages moteurs à la marche. 

L’étudiant Shahab Jami (à gauche) et l’étudiante Elise MacDonald (à droite) testant la semelle intelligente dans le laboratoire de mobilité et performance motrice.
L’étudiant Shahab Jami (à gauche) et l’étudiante Elise MacDonald (à droite) testant la semelle intelligente dans le laboratoire de mobilité et performance motrice. Photo : Mélanie Provencher.

Les blocages moteurs demeurent un aspect moins connu du Parkinson. Le symptôme de la personne figée se manifeste à la marche. Le corps cesse d’avancer, et les risques de chute sont accrus. L’objectif de l’équipe est de concevoir une semelle qui prédirait les blocages moteurs et en avertirait préventivement la personne. L’expérimentation avance bien : grâce aux données recueillies auprès des personnes qui la portent, le dispositif peut maintenant prédire le blocage moteur deux secondes avant son apparition. Ces données permettent de modifier les modalités de simulation pour obtenir un meilleur taux de prédiction.

Et quelle est la prochaine étape du projet? Julie Nantel répond sans hésitation : la commercialisation. Elle espère donner à la population un précieux outil de plus pour vivre avec le Parkinson. Ces semelles connectées seraient également importantes dans le cadre de ses travaux, parce que leurs signaux communiqueraient de rares informations sur le blocage moteur et favoriseraient le développement de programmes pour le prévenir et le contrer. Encore une fois, l’expérience des personnes atteintes est le moteur premier de sa recherche.