Le rétablissement lors d’une commotion cérébrale est un bon exemple de la complexité des interactions observées. Lorsque le cerveau subit une blessure, certaines voies autonomes qui régulent la fréquence cardiaque, la tension artérielle et d’autres fonctions vitales sont perturbées. Cette connexion complique la situation, mais elle constitue aussi une avenue de recherche intéressante pour trouver des traitements plus efficaces, quel que soit l’âge de la personne blessée. Dirigées par le Dr Roger Zemek, les recherches que mène l’ICC révèlent des liens essentiels et traduisent les découvertes en interventions pratiques pour transformer les soins.
Des soins orientés par la recherche
Au Canada, les commotions cérébrales touchent près de 400 000 personnes par année, mais la recherche porte principalement sur les athlètes de haut niveau et le personnel militaire. Les soins ne produisent donc souvent que des résultats mitigés pour bien des patientes et patients. Une équipe parrainée par l’ICC et dirigée par le Dr Roger Zemek cherche à établir comment l’exercice et la santé cardiovasculaire peuvent réduire les symptômes de commotion cérébrale chez les adultes non athlètes. L’exercice comme approche thérapeutique serait un moyen pratique et abordable de réduire le délai de convalescence et d’accélérer le retour aux activités normales du quotidien.
Le Dr Zemek est pédiatre urgentologue et scientifique principal au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO). Il est également professeur titulaire et détient une chaire de recherche clinique de niveau 1 à l’Université d’Ottawa, en plus d’être directeur scientifique de 360 Concussion Care, un réseau de cliniques interdisciplinaires spécialisées dans le traitement des commotions cérébrales qui fonctionne comme un système de santé apprenant. Entouré d’une équipe talentueuse composée de la Dre Sharon Johnston, chercheuse clinicienne, directrice scientifique et vice-présidente associée à l’Institut du Savoir Montfort, de Nick Reed (Ph. D.), ergothérapeute à l’Université de Toronto, et de plus de 25 spécialistes de renommée mondiale, le Dr Zemek dirige le Programme de recherche sur les commotions cérébrales TRANSCENDENT, qui vise à améliorer le diagnostic, le pronostic et les soins. Ce programme vise à constituer la plus grande base de données sur les commotions cérébrales jamais mise à disposition. Les données, recueillies à travers le réseau ontarien des cliniques 360 Concussion Care, tiendront compte d’une patientèle variée sur le plan de l’âge, du sexe et des causes des commotions cérébrales (1).
Lien cœur-cerveau lors de commotions cérébrales
Dans leur projet financé par l’ICC, le Dr Zemek et son équipe étudient le lien entre le dysfonctionnement autonome et la persistance des symptômes après une commotion cérébrale. Le système nerveux autonome (principalement contrôlé par le tronc cérébral) régule les fonctions involontaires comme la fréquence cardiaque, la tension artérielle et la respiration. Lorsqu’il est perturbé, des symptômes peuvent se manifester : maux de tête, sensibilité à la lumière et au bruit, étourdissements, anxiété et troubles du sommeil. Tous ces symptômes sont également fréquents après une commotion cérébrale, surtout pendant l’activité physique ou les changements de position (lorsqu’une personne couchée se lève par exemple), et pourraient résulter d’une altération de la communication entre le cœur et le cerveau à cause de perturbations des voies neuronales dues à la commotion cérébrale. Dans une étude pilote menée auprès de 451 adultes ayant subi récemment une commotion cérébrale, l’équipe du Dr Zemek a constaté que 25 % des personnes participantes présentaient une forme ou une autre de dysfonctionnement autonome.
Les conséquences de ce dysfonctionnement sur la guérison après une commotion restent mal comprises, en particulier chez les adultes non athlètes, une population sous-représentée dans ce champ particulier de la recherche sur les interactions cœur-cerveau. Des études antérieures ont montré que l’exercice pouvait réduire les symptômes chez les enfants (2), mais ses effets n’ont pas encore été étudiés chez les adultes. Pour combler cette lacune, la recherche actuelle vise à déterminer si l’exercice peut diminuer à la fois les symptômes et améliorer la qualité de vie des adultes en convalescence.
Depuis deux ans, l’équipe a recruté des adultes de 18 à 85 ans ayant récemment subi une commotion cérébrale. Elle leur fait passer une panoplie d’examens physiologiques pour évaluer leur fonction autonome : tests sur table basculante, surveillance en continu de la fréquence cardiaque, pupillométrie, oculométrie, neuro-imagerie avancée et analyses biochimiques d’échantillons de salive. Plus de 400 personnes ont déjà été inscrites; le recrutement est donc presque terminé.
Chaque personne participante doit effectuer un test d’exercice progressif sur vélo stationnaire en milieu clinique et se voit prescrire un plan d’exercice quotidien personnalisé selon sa fréquence cardiaque observée pendant le test. Tout au long de l’étude, l’équipe de recherche surveille les symptômes de commotion cérébrale, la qualité de vie, la fonction cardiovasculaire, l’activité quotidienne et la tolérance à l’exercice au moyen de tests sur vélo réguliers. Si l’hypothèse voulant que l’exercice quotidien adapté à la fréquence cardiaque accélère le rétablissement et améliore la qualité de vie se confirme, cela fournirait la preuve de l’existence d’un traitement accessible, peu coûteux et non pharmacologique des commotions cérébrales pour la population adulte en général. Ce projet est un excellent exemple des fondements de la recherche à l’ICC, dont il contribue à enrichir le corpus de travaux sur le traitement des troubles concomitants du cerveau et du cœur, notamment des études sur l’utilisation possible d’interventions biologiques et de modifications du mode de vie pour traiter des problèmes à un stade précoce.
Dysfonctionnement du système nerveux autonome en cas de commotions cérébrales pédiatriques
Parallèlement aux études prospectives en cours, l’équipe analyse également les données sur les commotions cérébrales recueillies précédemment afin de favoriser la compréhension du phénomène. Véronik Sicard (Ph. D.), boursière postdoctorale à l’Institut de recherche du CHEO travaillant aux côtés du Dr Zemek, a récemment publié un article dans la revue JAMA Network Open sur la relation entre le dysfonctionnement autonome (plus précisément les changements de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle) et l’aggravation des symptômes de commotion cérébrale lors de changements posturaux chez les enfants de 5 à 17 ans (3). Publiée en juillet 2025, l’étude a révélé qu’environ 10 % des enfants présentaient des réponses cardiovasculaires anormales (au niveau de la fréquence cardiaque ou de la tension artérielle), et 25 % voyaient leurs symptômes s’aggraver en position debout.
Découverte majeure et inattendue de cette étude : on a rarement observé de coïncidence entre dysfonctionnement autonome et aggravation des symptômes en position debout chez une même personne. Bien que ces deux phénomènes soient relativement courants, ils pourraient donc découler de mécanismes physiologiques distincts et indépendants. Comme l’explique Véronik Sicard, « ces travaux laissent présager que des mécanismes différents pourraient sous-tendre les changements du fonctionnement autonome et le déclenchement des symptômes, ce qui expliquerait pourquoi ils coexistent rarement. Cette dissociation justifie l’analyse des manifestations physiologiques par rapport aux présentations symptomatiques afin de vérifier si elles sont dues à des trajectoires de rétablissement différentes ou à des sous-types de commotions cérébrales distincts. »
Ces résultats remettent en question les hypothèses sur les profils de symptômes dans les cas pédiatriques de commotions cérébrales, et soulignent l’importance d’une évaluation clinique complète pour personnaliser les soins. Les futurs travaux de Mme Sicard, qui s’inscrivent dans le projet de l’ICC, exploreront l’existence de profils comparables chez les adultes et les personnes âgées, dans le but d’élaborer des stratégies d’intervention en fonction de l’âge. « Nous voulons savoir si ces facteurs peuvent prédire la guérison, ce qui permettrait de dépister les personnes dont la convalescence risque de se prolonger », ajoute-t-elle.
L’intégration des thèmes transversaux de l’ICC dans la recherche sur les commotions cérébrales
L’un des fondements de l’ICC est l’intégration de thèmes transversaux dans tous les travaux de recherche. L’équipe du Dr Zemek a été exemplaire à cet égard, notamment dans les domaines de la coproduction et de la mobilisation des connaissances, de la science ouverte et des principes IDEAS, ce qui augmente la portée globale de son étude. Un des piliers centraux du projet TRANSCENDENT réside dans sa solide stratégie de mobilisation des connaissances, ancrée dans l’engagement de la patientèle. Le comité consultatif communautaire du projet, composé de personnes aux horizons divers ayant déjà subi une commotion cérébrale, se réunit tous les trois mois pour orienter chaque aspect du programme, du devis de l’étude à la mise en œuvre clinique. Ainsi, la voix des patientes et des patients reste au cœur de l’ICC et du programme TRANSCENDENT, soutenant leur intégration durable à la recherche.
L’équipe est un chef de file en matière de mobilisation des connaissances; elle traduit ses résultats en ressources claires, accessibles et pratiques. Elle publie sur son site Web un bulletin trimestriel présentant les faits saillants de la recherche, des activités à venir et des liens vers ses documents d’information communautaires, par exemple des lignes directrices pour le retour à l’exercice et des ressources de soutien à l’intention des entraîneuses et entraîneurs, du personnel enseignant et des parents. Le site Web permet également d’accéder à des enregistrements de conférences de spécialistes sur divers aspects du traitement des commotions cérébrales (4).
Fait notable : l’équité, la diversité et l’inclusion sont intégrées à chaque étape de la recherche du Dr Zemek. L’équipe encourage activement la participation de personnes issues de tous les horizons et de groupes sous-représentés afin de s’assurer qu’elles sont prises en compte équitablement dans les résultats de recherche et qu’elles ont accès aux soins nécessaires. Elle s’efforce notamment d’éliminer les obstacles systémiques et financiers à la participation à l’étude et à l’accès aux soins en s’assurant que chaque séance d’évaluation se déroule en clinique et soit couverte par l’Assurance-santé de l’Ontario.
Communication des données et portée mondiale
Le Dr Zemek et son équipe ont à cœur le principe de science ouverte. Toutes les données générées par le programme TRANSCENDENT et les projets connexes seront rendues publiques. Les résultats seront publiés dans des revues en libre accès, et les données brutes, y compris les mesures physiologiques, les échantillons biologiques, ainsi que les questionnaires détaillés sur les symptômes et les caractéristiques démographiques des quelque 5 500 patientes et patients, seront téléchargées sur la plateforme publique Brain-CODE. En août 2025, 2 018 personnes avaient déjà été recrutées (5). Cette approche d’accès ouvert aux données permettra aux chercheuses et chercheurs du monde entier d’explorer de nouvelles pistes dans les années à venir, ce qui fera d’Ottawa un pôle de référence à l’échelle mondiale en matière de traitement des commotions cérébrales fondé sur des données probantes.
Grâce à l’équipe, des progrès considérables ont déjà été réalisés dans l’évaluation et la prise en charge des commotions cérébrales, et ce n’est qu’un début. Les projets de recherche en cours, y compris l’étude sur l’exercice financée par l’ICC, auront d’importantes retombées et transformeront le diagnostic et le traitement des commotions cérébrales partout dans le monde. En exploitant des ensembles de données à grande échelle et en explorant l’exercice et la santé cardiovasculaire comme traitement possible, l’équipe soutient, par ses travaux, une transition vers des soins post-commotion cérébrale axés sur la précision, l’accessibilité et la patientèle. En fin de compte, ces recherches viendront enrichir la base de connaissances sur la prise en charge, et permettront aux personnes touchées, en Ontario et ailleurs dans le monde, de se rétablir plus rapidement, de reprendre leurs activités quotidiennes et d’améliorer leur qualité de vie.
Pour en savoir plus sur le programme de recherche TRANSCENDENT et connaître les nouveautés de la recherche sur les commotions cérébrales, cliquez ici.
Références :
1. Zemek R, Albrecht LM, Johnston S, Leddy J, Ledoux AA, Reed N, et al. TRANSCENDENT (Transforming Research by Assessing Neuroinformatics across the Spectrum of Concussion by Embedding iNterdisciplinary Data-collection to Enable Novel Treatments): protocol for a prospective observational cohort study of concussion patients with embedded comparative effectiveness research within a network of learning health system concussion clinics in Canada. BMJ Open. 2025 Apr;15(4):e095292.
2. Ledoux AA, Barrowman N, Bijelić V, Borghese MM, Davis A, Reid S, et al. Is early activity resumption after paediatric concussion safe and does it reduce symptom burden at 2 weeks post injury? The Pediatric Concussion Assessment of Rest and Exertion (PedCARE) multicentre randomised clinical trial. Br J Sports Med. 2022 Mar;56(5):271–8.
3. Sicard V, Irani T, Ledoux AA, Terekhov I, Webster RJ, Sucha E, et al. Prevalence of Orthostatic Autonomic Dysregulation in Pediatric Concussion. JAMA Netw Open. 2025 July 22;8(7):e2522309.
4. Resources [Internet]. TRANSCENDENT Concussion Research Program. 2025 [cited 2025 Sept 4]. Available from: https://www.transcendentconcussion.ca/outreach
5. Research Participants [Internet]. TRANSCENDENT Concussion Research Program. 2025 [cited 2025 Aug 26]. Available from: https://www.transcendentconcussion.ca/participants