Faut-il retourner à l’heure normale toute l’année?

Par Bernard Rizk

Media Relations Officer, uOttawa

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Faut-il retourner à l’heure normale toute l’année?
Ce printemps, le changement d'heure aura lieu dans la nuit du 9 au 10 mars 2024, soit plus exactement le dimanche 10 mars 2024 à 2 h du matin. Nous avancerons alors d'une heure et nous passerons à l'heure avancée de l'Est (heure d'été).
Nous avons interrogé Joseph De Koninck, Professeur Émérite en Psychologie à la Faculté des sciences sociales, pour savoir pourquoi il conseille de retourner à l’heure normale toute l’année.

Q1 : Quelles sont les principales raisons scientifiques qui soutiennent le retour à l'heure normale toute l'année?

De Koninck : Il faut bien comprendre que la situation très nordique du Canada rend plus problématique la pratique du changement d’heure. La variation extrême de température entre l’été et l’hiver est accompagnée d’une variation d’illumination solaire qui passe de 16 heures en juin à 8 heures par jour en décembre. La combinaison de ces deux phénomènes présente des défis d’adaptations plus important que chez nos voisins du sud.

Dans ce contexte, les principales raisons scientifiques qui soutiennent le retour à l'heure normale toute l'année sont les suivantes :

Impact sur la santé et le bien-être : Les changements d’heure du printemps et de l’automne ont tous deux des effets négatifs car ils forcent une désynchronisation rapide de l’horloge biologique qui gouverne notre sommeil et notre fonctionnement diurne. C’est cependant le passage à l’heure avancée du printemps qui cause le plus de problèmes car il implique une perte potentielle d’une heure de sommeil avec les effets bien connus sur l’humeur, la concentration, et la mémoire, une augmentation des accidents de la route et des problèmes cardiovasculaires. Certaines perturbations des rythmes biologiques se prolongent tout au long de l’été et à l’automne jusqu’au retour à l’heure normale de l’automne. Ce dernier changement d’heure, bien qu’Il ramène le lever du soleil plus tôt le matin et offre la possibilité d’ajouter une heure de sommeil, l’apparition de la noirceur plus tôt en après-midi a un effet dépressif qui peut notamment accélérer la dépression saisonnière.

Rythme biologique et exposition à la lumière : L'être humain est un animal diurne qui a besoin d'être exposé à la lumière du jour pour fonctionner normalement. L'heure normale est basée sur l’heure solaire ce qui permet une meilleure harmonisation de notre horloge biologique avec l'exposition à la lumière naturelle, favorisant ainsi un sommeil de meilleure qualité et des performances physiques et mentales optimales. En revanche, l’heure avancée a tendance à engendrer un décalage horaire social (social jet-lag) qui lui retarde l’heure du coucher. Si on doit se lever à la même heure le matin, il y a une perte de sommeil que certaines recherches évaluent à 30 minutes en moyenne avec les effets négatifs sur le fonctionnement diurne.

Conséquences psychologiques  : L’exposition à la lumière solaire ou artificielle, surtout le matin, est recommandée pour traiter la dépression saisonnière et la dépression majeure. Le maintien de l’heure normale toute l’année pourrait contribuer à améliorer la santé mentale et le bien-être psychologique car les changements de quantité d’illumination solaire entre l’été et l’hiver sont graduels (quelques minutes par jour) et plus facilement gérables pour notre horloge biologique.
 

Q2 : Comment le déplacement de la période d'illumination solaire vers le soir peut-il affecter la synchronisation de notre horloge biologique ?

De Koninck  : Le déplacement de la période d'illumination solaire vers le soir peut désynchroniser notre horloge biologique de diverses manières. Cela peut perturber nos cycles de sommeil, de vigilance et de production d'hormones. De plus, cela peut diminuer la quantité de et la qualité du sommeil. Enfin, le système circadien a besoin d'une exposition adéquate à la lumière du jour surtout le matin et en milieu de journée avec une réduction en soirée pour se synchroniser correctement. Trop de lumière en soirée empêche la production de la mélatonine qui est importante pour faciliter l’endormissement. 

En bref, le déplacement de la période d'illumination solaire vers le soir peut perturber la synchronisation de notre horloge biologique et affecter notre sommeil, notre vigilance et nos fonctions physiologiques.
 

Joseph De Koninck, Professeur Émérite en Psychologie à la Faculté des sciences sociales
PSYCHOLOGIE

« La transition vers l'heure normale permanente au Canada pourrait présenter plusieurs avantages, notamment en termes de stabilité du rythme circadien, de meilleure synchronisation avec la lumière... »

Joseph De Koninck

— Professeur Émérite en Psychologie à la Faculté des sciences sociales

Q3 : Comment envisagez-vous la transition vers l'heure normale permanente au Canada, et quelles pourraient être les défis potentiels associés à ce changement ?

De Koninck  : La transition vers l'heure normale permanente au Canada pourrait présenter plusieurs avantages, notamment en termes de stabilité du rythme circadien, de meilleure synchronisation avec la lumière naturelle et de réduction des perturbations du sommeil causées par le changement d'heure. En général, on peut dire que ce sont les enfants qui ont besoin de plus de sommeil et sont plus avantagés par l’heure normale permanente. Bien sûr, le maintien de l’heure normale durant l’été pourra déplaire à certains, il fera noir plus tôt durant l’été et les habitudes sociales et les activités de plein air en soirée et les commerces qui y sont associés seront affectés. Les études montrent que ces effets sont compensés par d’autres qui sont favorisés en soirée comme les cinémas en plein air, les feux de camp et l’observation des étoiles. En effet, avec l’heure avancée en juin, les enfants doivent se coucher très tard s’ils veulent s’initier à l’astronomie.

Pour plus d'informations, veuillez lire cet article : The practice of Daylight Saving Time in Canada: Its suitability with respect to sleep and circadian rhythms

Vous pouvez communiquer directement avec :

Joseph De Koninck

Professeur Émérite, Psychologie, Faculté des sciences sociales

jdekonin@uOttawa.ca