Ce peuple nomade qui pratique l’élevage vit dans une des régions les plus inhospitalières de la planète : le désert Danakil, dont la roche volcanique et les plaines salées s’étendent du nord-est de l’Éthiopie jusqu’à l’Érythrée et à Djibouti. C’est une région faite d’extrêmes, où la chaleur est étouffante, l’eau est rare et l’activité sismique est courante.
Pourtant, on y trouve quatre millions d’habitantes et d’habitants qui se distinguent par leur résilience et leur solidarité. « Les Afars sont extraordinairement solidaires, explique le professeur Magnet. Personne n’est laissé pour compte; tout le monde est inclus. C’est une expérience hors du commun. »
C’est cette chaleur et cette unité qui l’ont d’abord marqué lors de son premier séjour dans la région, en 2010. « Je m’imaginais vivre une petite aventure entre amis, se souvient-il. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait, mais j’ai tout de suite aimé leur accueil chaleureux. »
Mais après avoir visité un camp de réfugiées et de réfugiés, il a commencé à prendre la mesure de l’oppression et de la résilience du peuple afar : « Quand j’ai vu des enfants courir pieds nus sur un sol couvert de pierres tranchantes, j’ai compris à quel point la vie devait être dure pour eux. J’ai donc acheté 1 000 paires de chaussures et je les ai apportées au camp. »
Ce geste de compassion a marqué le début d’une mission qui, aujourd’hui, définit toute la carrière du professeur Magnet. Dans les années qui ont suivi, il a levé le voile sur la persécution, la confiscation de terres et d’autres mauvais traitements subis par les Afars en Érythrée, que les instances internationales qualifient maintenant de crimes contre l’humanité.
« Quand j’ai compris le niveau d’oppression dont il était question en Érythrée, j’étais horrifié, raconte-t-il. Le nombre de personnes qui ont disparu, qu’on a tuées… J’ai pour philosophie qu’on doit agir quand on peut et là où il le faut. »
Le professeur a porté la voix des Afars jusqu’aux Nations Unies et dans d’autres forums internationaux, demandant que des comptes soient rendus et que justice soit faite.
« L’occasion s’est présentée, résume-t-il, et je me suis dit que j’étais peut-être en mesure d’aider. » Cet ancien avocat de la Couronne avait l’habitude des vastes dossiers juridiques qui changent la donne, mais il ne se faisait aucune illusion : « Je n’étais vraiment pas certain d’arriver à convaincre les grandes instances des Nations Unies que des leaders du gouvernement érythréen commettaient des crimes contre l’humanité et qu’il fallait recommander leur arrestation. Je ne pensais jamais que mes démarches porteraient à ce point leurs fruits. Mais j’y suis parvenu et j’espère avoir changé les choses. »
Ces travaux de recherche et son combat, menés sur plusieurs années, sont racontés dans l’article « Fifteen Years of Afar Advocacy: Perspectives on the Future of Eritrea ». L’auteur y explique sa démarche pour obtenir justice et propose des avenues vers la paix et la démocratie en Érythrée.
Le professeur Magnet a récemment été récompensé par l’Université de Samara, en Éthiopie. Bien qu’on lui ait décerné un certificat de reconnaissance pour son travail constitutionnel et en faveur des droits de la personne, les progrès réalisés sont sa véritable récompense : « Ma satisfaction, insiste-t-il, c’est de voir la cause des Afars avancer. »
Dans une région marquée par l’instabilité (les tensions entre l’Éthiopie et l’Érythrée menacent toujours une paix fragile dans la Corne de l’Afrique), son œuvre prouve qu’on peut changer les choses quand on allie compassion et conviction.