Quand Anne Moreau, diplômée en sciences politiques et étudiante en droit, Section de common law, repense à son expérience à l’école primaire et secondaire, elle se rappelle avoir eu l’impression que les Canadiens et Canadiennes noirs n’existaient pas dans l’histoire du pays. Centrée sur les conquêtes européennes, la façon d’enseigner la matière occultait la vérité au sujet de la colonisation et de la contribution des Noirs et des Autochtones.
Ce manque de reconnaissance des repères historiques a motivé Anne Moreau à créer la série 28 Moments of Black Canadian History, lancée sur YouTube en février 2020 dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Elle en a réalisé les vidéos, épaulée par Fitch Jean (vidéo en anglais), un étudiant en communication et études des médias à l’Université d’Ottawa.
La série met en vedette des membres de la communauté noire qui présentent des figures, des endroits et des événements importants dans l’histoire des Noirs au Canada. Dans sa capsule vidéo (en anglais), Anne présente Jean Augustine, la première femme noire élue au Parlement canadien et grande défenseure des droits des femmes et des immigrants. Toutes deux étaient assises à la même table lors d’une réception en 2019, et malgré son intérêt pour la politique, Anne ignorait la longue liste des réalisations de Jean Augustine – preuve, mentionne-t-elle, du peu d’importance donnée en salle de classe pour les grands modèles noirs dans l’histoire du Canada.
« Je crois que lorsque nous connaîtrons la véritable histoire de ce pays, les changements pour lesquels nous nous battons se heurteront à moins de résistance », affirme la jeune femme au sujet de l’objectif de sa série. « Les gens ne réalisent pas que bon nombre de systèmes oppressifs sont en fait enracinés dans l’histoire. »
Axée sur les pans méconnus de l’histoire des Noirs au Canada, la série offre également aux personnes qui participent un espace pour parler de leur propre expérience du racisme, mais aussi de culture et d’identité – un exercice difficile mais libérateur, selon la diplômée et étudiante.
Les vidéos de la série sont actuellement utilisés dans les salles de classe du pays ainsi que dans certains cours de l’Université d’Ottawa. La série a en outre mené à la création d’Unilearnal, une plateforme où les jeunes noirs, autochtones et de couleur (PANDC, version française de BIPOC) sont encouragés à créer et à partager du contenu éducatif.
Espérer et faire émerger un changement véritable
Afin de contribuer au changement, Anne Moreau poursuit actuellement des études en droit. Son histoire témoigne de l’importance d’avoir une diversité de voix dans l’enseignement. Bien que certains la qualifient d’activiste, elle ne se reconnaît pas dans ce terme.
« Je ne peux pas mettre de côté la politique ou les efforts dans la communauté; c’est le genre de privilège dont la plupart des personnes racisées ne disposent pas », soutient-elle. Son travail relève plutôt de la survie : la sienne et celle des membres de sa communauté. « Ceux et celles d’entre nous qui se sentent assez à l’aise de s’exprimer haut et fort ont la responsabilité de le faire. »
Ce qui nous ramène à la politique. Même si elle a mis de côté son objectif initial de s’impliquer davantage politiquement, Anne milite toujours pour qu’il y ait plus de femmes en politique, en particulier des femmes noires, autochtones et de couleur. « Je veux faire ce que je peux pour rendre ces espaces plus sécuritaires et, en bout de ligne, plus accessibles. C’est à ce genre de changement que je veux contribuer », explique-t-elle.
À cette fin, elle a écrit « So You Don't Want to Be A Politician » (en anglais), un document sur la représentation au sein de l’appareil politique canadien, et plus particulièrement dans la politique municipale ottavienne. De facture visuelle colorée et dans un style engageant, la publication offre au lectorat de l’information et des idées de gestes concrets à poser.
À travers ses divers projets, cette étudiante et diplômée de l’Université d’Ottawa fait naître les changements auxquels elle aspire. L’histoire est importante, et Anne Moreau s’assure que les générations d’aujourd’hui et de demain soient en mesure de comprendre le rôle qu’y ont joué les Canadiens et les Canadiennes noirs.