Kaszuba est doctorant à la Faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa et se spécialise dans l'étude de l'acquisition des langues, la linguistique et le développement professionnel du corps enseignant du français langue seconde. Notre conversation avec lui fait partie de la série « Les universitaires en éducation ».
Parlez-nous de vous et de ce qui vous a mené aux études doctorales.
J’ai grandi près de Toronto et je m’identifie comme un homme queer cisgenre. J’ai commencé mon parcours universitaire en sciences médicales, mais après avoir suivi un cours de linguistique française, je me suis découvert une passion pour les langues et leur apprentissage qui surpassait mon intérêt pour la médecine. J’ai donc changé de programme et décroché un baccalauréat ès arts spécialisé. Puis, j’ai participé à Odyssée, le programme d’échange culturel du gouvernement canadien, dans le cadre duquel j’ai travaillé comme moniteur de langue seconde dans une école secondaire du Québec. L’expérience m’a donné envie de devenir enseignant; je suis donc revenu à Toronto pour étudier dans le domaine. J’ai tellement aimé le programme d’échange que j’ai décidé de travailler à l’étranger dès l’obtention de mon diplôme. C’est ainsi que j’ai enseigné le français langue seconde dans une école internationale au Vietnam avant d’entamer mon doctorat.
Sur quoi votre doctorat porte-t-il ?
En quelques mots ? Les discussions et le travail de groupe sont plus bénéfiques pour l’apprentissage que le travail individuel. Or, les travaux universitaires – examens, essais, réflexions personnelles – sont généralement conçus dans une optique individuelle. Certes, on est appelé à collaborer, mais alors, quelle approche privilégie-t-on pour les travaux d’équipe ? Préfère-t-on diviser les tâches et travailler individuellement, ou se concerter et échanger des idées pour produire un travail commun ?
Pour creuser la question, j’ai créé des petites communautés d’apprentissage avec des stagiaires en enseignement de la Faculté d’éducation. Leur tâche : se réunir (en dehors des heures de cours) pour définir leurs propres objectifs d’apprentissage et projets finaux, et travailler ensemble pour les concrétiser. Comment le groupe choisirait-il de collaborer dans ces conditions, sans les contraintes habituelles ? C’est ce que mon projet cherchait à déterminer.
Qu’est-ce qui vous a incité à explorer les dynamiques de l’apprentissage collaboratif ?
Durant ma formation en enseignement, je me suis joint à plusieurs clubs et j’ai adoré l’expérience! L’un d’entre eux – le club de français, dont je suis le co-fondateur – servait à la fois d’espace social, professionnel et scolaire. Nous faisions des exercices de théâtre, assistions à des événements culturels en ville, faisions des simulations d’entrevue à tour de rôle… J’ai l’impression d’avoir parfois plus appris de ces interactions que de mes cours. J’ai observé un phénomène semblable dans le cadre de mon projet doctoral : les participantes et participants se mentoraient les uns les autres de leur propre chef, sans aucune directive de ma part. À mon sens, mes travaux prouvent que les espaces de type club, qui encouragent le développement d’intérêts personnels et sociaux, sont bénéfiques pour les programmes universitaires. La séparation entre la socialisation informelle et l’apprentissage universitaire est inutile et artificielle ; c’est ce principe qui m’a encouragé à poursuivre mes travaux de recherche.
À qui voudriez-vous que vos travaux profitent ?
Au-delà des bienfaits pour les participantes et participants, j’espère que mon étude incitera des établissements, des programmes et des professions à repenser l’accueil et la formation de leurs nouveaux membres. Mon projet visait à offrir aux étudiantes et étudiants en enseignement un espace et un moment en dehors des contraintes universitaires qui leur permettraient de prendre des risques dans leur apprentissage. Participer à ces communautés d’apprentissage, c’était bel et bien s’aventurer en terrain inconnu : rien ne garantissait une bonne collaboration entre les membres, ni l’atteinte de leurs objectifs d’apprentissage, ni même la survie de la communauté ! Avec tant de variables inconnues, le projet avait de quoi angoisser. Toutefois, pour les personnes qui ont persévéré, le jeu en a valu la chandelle.
Avez-vous fait des découvertes surprenantes ?
Ce qui m’a surpris, c’est le profil des personnes qui ont choisi de participer activement à leur communauté jusqu’à la fin de l’année scolaire. Elles avaient toutes un point en commun : elles comprenaient et parlaient plusieurs langues. L’un de leurs commentaires m’a vraiment marqué : « Nous avons toutes et tous travaillé fort pour apprendre la langue. Et c’est grâce à différentes ressources que nous avons surmonté les difficultés et réussi. La communauté d’apprentissage nous offre un peu le même type de soutien. » C’est une piste d’explication. Autrement dit, les aptitudes nécessaires à l’apprentissage d’une langue seconde – la persévérance, l’ouverture d’esprit et la collaboration communautaire – nous préparent à apprendre en groupe.
Au cours de vos études doctorales, un livre ou une nouvelle idée a-t-il influencé votre réflexion ?
La lecture d'une série de conférences du philosophe français Michel Foucault m'a aidé à approfondir ma pensée. En tant qu'élève gai dans une école confessionnelle de l'Ontario, je ne me sentais pas toujours à ma place. En ce qui concerne la stigmatisation associée à l'homosexualité, j'ai mieux compris mon inconfort après avoir lu le livre de Foucault intitulé Du gouvernement des vivants. Dans cet ouvrage, il expose les origines et la nocivité de l'idée selon laquelle les humains sont des malfaiteurs de nature qui doivent changer, ainsi que les conséquences de cette pensée sur nos identités modernes. En tant que personne gai ou même en tant qu'apprenant de la langue française, par exemple, je me suis souvent senti comme un étranger cherchant à s'intégrer dans certains contextes sociaux. Cela m'a aidé à surmonter beaucoup de mes angoisses. Je suis curieux de voir comment ce type de pensée peut avoir un impact sur les membres du corps enseignant, leurs identités et leur bien-être.
Pourquoi avez-vous choisi l’Université d’Ottawa ?
Je souhaitais travailler avec ma directrice de thèse actuelle et elle enseignait à l'Université d'Ottawa. J'ai suivi un cours pendant mes années d'études de premier cycle avec la professeure Stephanie Arnott et j'ai vraiment apprécié la façon de penser et d'apprendre qu'elle préconisait, parce qu'elle était tellement différente de mes autres cours ! Lorsque le moment est venu de poser ma candidature à un programme de doctorat, j'ai mis tous mes œufs dans le même panier : soit j'étais accepté à l'Université d'Ottawa, soit je continuais à travailler en tant qu'enseignant. Je pense que mon choix montre le pouvoir des bonnes relations, en particulier dans le cadre d'un programme de doctorat où l'on travaille avec les mêmes personnes pendant plusieurs années.
En savoir plus sur les recherches d'Adam Kaszuba.
Adam Kaszuba est candidat au doctorat à la Faculté d’éducation (concentration sociétés, cultures et langues). Ses travaux de recherche portent sur le perfectionnement professionnel dans l’enseignement du français langue seconde (FLS). Enseignant agréé de l’Ontario, il a donné des cours de FLS à l’international et a été membre de l’équipe de recherche de l’Université d’Ottawa pour le projet ReadyFSL. Il est également l’auteur de Communautés de pratique : un modèle d’apprentissage professionnel pour la rétention des enseignants de langues secondes en début de carrière, un article publié dans Réflexions, le magazine de l’Association canadienne des professeurs de langues secondes.