En juin dernier, le diplômé de l’Université d’Ottawa Sethuraman « Panch » Panchanathan (Ph.D. Génie 1989) est devenu directeur de la National Science Foundation (NSF), une agence fédérale américaine jouant un rôle vital dans le milieu des sciences et du génie.
Fondée par le Congrès américain en 1950, la NSF finance les chercheuses et les chercheurs, leur donnant la liberté d’étudier des questions scientifiques fondamentales de toute nature, allant des forces qui règlent l’univers aux systèmes biologiques, chimiques et sociaux qui nous définissent.
Avant de recevoir son doctorat en génie électrique et informatique de l’Université d’Ottawa, l’informaticien originaire de l’Inde a obtenu des diplômes de deux établissements très réputés : l’Institut indien des sciences à Bengaluru et l’Institut indien de technologie à Madras.
Il a fait partie du corps professoral de l’Université pendant huit ans avant de s’en aller à l’Université d’État de l’Arizona en 1997, où il a été vice-recteur et directeur de la recherche et de l’innovation. Pendant son passage en Arizona, il a fondé le Center for Cognitive Ubiquitous Computing (CUbiC), qui met au point des technologies pour les personnes handicapées.
« Panch est une véritable star dans le domaine de la science », déclare Emil Petriu, professeur de génie à l’École de science informatique et de génie électrique de l’Université d’Ottawa, dont l’amitié avec le professeur Panchanathan remonte à l’époque où ce dernier était étudiant à la Faculté de génie.
« Il ne faudrait pas croire qu’il a été parachuté à la NSF, bien au contraire. Il a plutôt gravi les échelons, car c’est un excellent scientifique doté d’un grand flair politique. Panch sait interagir avec les gens sans jamais offenser qui que ce soit. Sa nomination est la preuve que ses collègues ainsi que la classe politique, y compris les républicains, lui vouent un énorme respect », souligne Emil Petriu.
Nous avons voulu en savoir davantage sur cette étoile montante de la science. Nous lui avons donc posé une série de questions auxquelles il a eu l’amabilité de répondre.
Cette entrevue a été abrégée par souci de concision.
Parlez-nous de votre rôle à la National Science Foundation.
La recherche fondamentale sera toujours la mission principale de la NSF, et je veux aider l’agence à poursuivre dans cette direction en maximisant les retombées des activités scientifiques.
Ma vision se décline en trois piliers : faire progresser la recherche, assurer l’inclusion et demeurer un chef de file mondial en sciences et en génie. Ma vision pour l’agence nous permettra d’avoir les ressources nécessaires pour mener à bien notre mission essentielle.
Je cherche à augmenter l’envergure et la rapidité des travaux, de même que le nombre de résultats découlant de la recherche et des programmes de la NSF. J’aimerais que les investissements de la NSF soient bonifiés par des partenariats avec le secteur privé, les ONG et d’autres agences et entités.
Je veux aussi faire en sorte que l’entreprise scientifique soit ouverte à tous. Aux États-Unis et dans le monde, la science et le génie doivent aplanir les obstacles qui empêchent les gens d’accéder à ces domaines d’études et d’emploi. Les meilleurs travaux scientifiques sont le fruit d’un large éventail de perspectives et d’expériences influencées par différentes réalités d’ordre culturel et racial.
Quels seront, d’après vous, vos plus grands défis dans ce nouveau rôle?
L'objectif principal de la NSF sera toujours de repousser les frontières de la connaissance en soutenant la recherche fondamentale – c'est ce que nous sommes. Notre mission, qui consiste à financer la recherche fondamentale, a donné lieu à des découvertes révolutionnaires au fil des ans. Je trouve important d’encourager une recherche fondamentale à grande échelle qui est audacieuse et a des retombées concrètes sur la société. Pour moi, la science est extrêmement importante si l’on veut résoudre les problèmes sociétaux de manière constructive et en misant sur les résultats.
Si nous voulons rester à l'avant-garde des réalisations scientifiques, nous devons accélérer nos progrès et nos investissements dans le domaine de la science et de la technologie. Je suis fermement convaincu que les partenariats nous offrent la possibilité d'accélérer nos progrès et d'amplifier les bénéfices de la recherche fondamentale. Nous devrons travailler avec d'autres agences, avec des partenaires commerciaux et industriels, des fondations privées et des philanthropes, des gouvernements d'État et locaux, pour approfondir notre compréhension fondamentale du monde, pour relever les grands défis auxquels la science et la société sont confrontées et pour imaginer les nouvelles industries de l'avenir.
La NSF a-t-elle une stratégie globale de soutien financier à la science en cette période critique?
La NSF a rapidement réagi à la pandémie grâce à son mécanisme de financement « Rapid Response Research » (recherche d’intervention rapide) en finançant des recherches non médicales pour comprendre la propagation de la COVID-19. À ce jour, nous avons financé plus de 1 000 projets RAPID, pour un montant total de 150 millions de dollars. Le milieu de la recherche fait preuve de résilience malgré des pressions énormes. Le travail de la NSF et d’autres agences scientifiques consiste en ce moment à aider cette communauté. Et c’est ce que nous tâchons de faire. La recherche fondamentale sera toujours le pivot de notre économie, elle sera toujours à la base de notre défense nationale, et elle sera toujours le principal catalyseur des innovations et des technologies qui améliorent tous les aspects de notre vie.
Encouragez-vous des domaines de recherche en particulier?
Cette année, le Bureau de la science et de la technologie de la Maison-Blanche a annoncé comme priorité les nouveaux développements dans les secteurs de l’avenir (intelligence artificielle, fabrication avancée, informatique quantique, technologie sans fil avancée et biologie synthétique). Il est de plus en plus impératif de stimuler et de mettre en place une recherche fondamentale à grande échelle qui est audacieuse et a des retombées concrètes sur la société.
Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de la recherche scientifique?
Il n’y a pas d’innovation scientifique sans optimisme, espoir et confiance dans l’avenir. Oui, nous sommes tous confrontés à des défis nouveaux et uniques dans le cadre de la COVID-19, mais c’est le plus grand moment de l’histoire de l’humanité pour l’innovation et la découverte. Je crois fermement que les obstacles peuvent être transformés en belles occasions. La science est la clé pour mettre fin à cette pandémie. Nous constatons que les talents sont liés à de nouvelles possibilités et que la population souhaite contribuer à résoudre les grands problèmes. C’est à nous d’innover et de tirer le meilleur parti de l’évolution de la situation.
Parlez-nous de votre passage à l’Université d’Ottawa. Quels sont vos plus beaux souvenirs?
Mon passage à l’Université s’est fait sous le signe de l’apprentissage et des nouvelles expériences qui ont façonné mon parcours professionnel. Mon directeur de thèse, le professeur Morris Goldberg, m’a poussé à sortir des sentiers battus. Il a allumé chez moi l’étincelle des STIM parce qu’il m’a appris à définir les problèmes et à chercher des solutions; c’était à moi de trouver, il ne faisait que me guider. S’il me donnait un problème, c’était le mien, et j’avais besoin de me l’approprier; ça m’a beaucoup aidé à accroître mon indépendance.
J’ai plusieurs bons souvenirs, dont le patinage sur le canal, mes liens avec des amis du monde entier, mon apprentissage du français et l’exploration de certains endroits parmi les plus étonnants que la nature ait à offrir.
Quels sont vos intérêts de recherche personnels?
Mes travaux à moi portent sur l’informatique multimédia centrée sur la personne, les interfaces utilisateurs haptiques (dispositifs qui permettent une interaction manuelle avec des environnements virtuels), les outils centrés sur la personne et l’informatique ubiquitaire pour améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, l’apprentissage machine pour les applications multimédias, le traitement des images médicales et la conception de processeurs médias.
Lorsque j’ai obtenu mon diplôme de l’Université d’Ottawa en 1989, j’étais fasciné par la révolution informatique et technologique de l’époque et je voulais absolument y participer et y contribuer. Tout au long de ma carrière, mes recherches ont été axées sur les technologies d’assistance et de réadaptation susceptibles d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées. J’ai donc commencé à explorer la relation symbiotique entre l’humain et la machine, et son potentiel de transformation de la vie et de l’expérience humaines. La conception de technologies et de dispositifs destinés à donner du pouvoir à des personnes aux capacités diverses m'a ouvert les yeux sur l'importance d'inspirer, de motiver et de nourrir les talents à travers le spectre socio-économique.
Quel message ou conseil aimeriez-vous donner aux étudiantes et aux étudiants en sciences et en génie?
J’encourage la prochaine génération de scientifiques et d’ingénieurs à éveiller leur curiosité pour approfondir leur connaissance de la science et à devenir des explorateurs. N’arrêtez pas de poser des questions : vous constaterez que votre curiosité naturelle vous mènera vers des chemins insoupçonnés. Si on laisse les gens exprimer leur créativité et leur passion dans leur discipline de prédilection, quelle qu’elle soit, ils apporteront des contributions importantes à la société et connaîtront du succès.