Les directives actuelles pour le dépistage du cancer du sein au Canada sont moins appropriés pour les femmes appartenant aux minorités raciales et/ou ethniques, à en constater le nombre de cas diagnostiqués à des stades avancés chez les femmes dans la force de l’âge s’identifiant à ces communautés. Une nouvelle étude réalisée à l’Université d’Ottawa souligne à grands traits l’urgence de réévaluer ces directives à la lumière des différences raciales et ethniques. Pour améliorer la santé de toutes les femmes, il faut leur assurer un accès équitable aux soins de santé – y compris au dépistage à un plus jeune âge.
En ce moment, on ne documente au pays ni les particularités ni l’issue du cancer du sein dans une optique raciale ou ethnique. Pourtant, ce nouvelle étude révèle que les femmes qui ne s’identifient pas comme de race blanche sont plus nombreuses à recevoir un tel diagnostic avant l’âge de 50 ans. C’est, en fait, avant cet âge que le plus grand nombre de cancers du sein sont signalés parmi elles.
L’étude parue récemment, réalisée par une équipe de recherche sous la direction de la Dre Anna Wilkinson et de la Dre Jean Seely aux côtés de Larry Ellison et Carmina Ng (Statistique Canada), effectuait des recoupements entre les données des recensements et celles du Registre canadien du cancer pour s’intéresser aux occurrences de cancer du sein.
Publiée dans The Oncologist, l’étude offre les constats suivants :
- Comparativement à une femme blanche du même âge, une femme noire de 40 ans est 40 % plus susceptible de succomber à un cancer du sein.
- Le taux de mortalité chez les soixantenaires des Premières Nations et des communautés métisses est de 20 à 50 % plus élevé, respectivement, que chez les femmes blanches des mêmes âges.
- Le cancer du sein est le plus souvent diagnostiqué à l’âge de 65 ans chez les femmes blanches; chez les femmes d’autres origines raciales ou ethniques, cet âge varie entre 42 et 60 ans.
- Environ un tier des cancers du sein dépistés avant l’âge de 50 ans le sont chez les femmes arabes, coréennes, inuites, multiethniques ou venant de l’Asie occidentale, comparativement à 16 % chez les femmes blanches.
- Les cancers du sein à récepteurs hormonaux positifs, dont les traitements ont un meilleur taux de réussite, sont plus répandus chez les femmes blanches, tandis que l’incidence de cancer du sein triple négatif, une forme agressive au taux de survie bien moindre, est deux fois plus élevée chez les femmes noires (taux de survie après 5 ans de 74 % au stade 3, et de seulement 7 % au stade 4).
Pour un dépistage plus hâtif
« Cette étude souligne l’importance du dépistage dès l’âge de 40 ans pour les personnes dont le cancer du sein est généralement diagnostiqué à un plus jeune âge. En amorçant les programmes de dépistage à 50 ans, on désavantage systématiquement les femmes racisées et appartenant à différents groupes ethniques. Les cancers ainsi diagnostiqués risquent de l’être à un stade plus avancé, ce qui pourrait se traduire par un taux de mortalité plus élevé chez les femmes noires, par exemple », affirme la Dre Wilkinson, professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
« Le taux de mortalité élevé chez les femmes des Premières Nations et des communautés métisses appelle aussi à un examen des obstacles auxquels ces femmes peuvent se heurter à différentes étapes de la maladie, depuis son dépistage jusqu’à son traitement. »
Des disparités à enrayer
Malgré certaines avancées provinciales – le programme de dépistage structuré en Ontario s’étend désormais aux femmes âgées de 40 à 49 ans, par exemple –, les lignes directrices nationales continuent d’inciter les médecins de famille à déconseiller le dépistage aux patientes qui les consultent, selon l’équipe de recherche. Bien des cancers risquent ainsi de ne pas être détectés hâtivement chez les femmes de couleur.
Les auteures principales de l’étude à l’Université d’Ottawa, qui ont déjà abordé les directives de dépistage et la hausse des cancers du sein dans leurs travaux, estiment que pour pouvoir expliquer les disparités entre les taux de mortalité et offrir le même niveau de soins aux personnes atteintes d’un cancer, il faudra nécessairement changer la façon dont on collige les données sur cette maladie.
Demandes des médias : media@uOttawa.ca