En 2015, un consultant radiophonique, comparant les listes de diffusion en musique country à une salade, avait affirmé que les femmes n’en sont pas les feuilles de laitue, mais les tomates : il fallait les «éparpiller» ici et là, et non les faire jouer de façon consécutive. Son opinion avait enflammé l’opinion publique et suscité de vifs débats, donnant ainsi son nom à la controverse baptisée en anglais le «Tomato-gate».
Cette controverse avait attiré l'attention du professeur Jada Watson de la Faculté des arts de l'Université d'Ottawa, dont les recherches portent sur la musique country et la géographie, ainsi que sur les questions d'identité, de genre, de classe et d'environnement.
Prenant fait et cause pour les femmes dans la musique country, Jada Watson s’intéresse aux outils numériques pour étudier l’écologie culturelle de ce genre musical. En faisant la lumière sur les questions d’inclusion et de diversité, ses travaux alimentent de faits concrets le débat sur la discrimination dans l’industrie de la musique country.
«On fait croire aux femmes que leurs chansons ne sont ni viables ni dignes des palmarès, et que le public n’est pas friand de leur voix», affirme Jada Watson. Elle ajoute qu’outre les conséquences de cette sous-exposition radiophonique sur les artistes elles-mêmes, «il existe de plus vastes répercussions culturellement dommageables. On peut facilement concevoir un public supposant que seules quelques femmes enregistrent de la musique country.» Une génération de filles ne se reconnaît pas dans la musique country, et cette réalité influence leurs choix.
En octobre 2019, la professeure Watson était conférencière à l’événement «À la recherche de tomates grâce aux sciences humaines numériques», en rappel du fameux Tomato-gate.
La conférence était organisée par Femmes en innovation, formé il y a un an par une quinzaine de femmes de l’Université d’Ottawa. Leur mission? Offrir aux femmes —et aux hommes qui les appuient — une plateforme au sein de la communauté des STIM sur le campus, afin de promouvoir ce secteur et offrir différentes occasions de collaborer et d’échanger par le réseautage et le partage de connaissances.
Initialement axé sur les femmes dans le domaine des STIM, le groupe a rapidement décidé d'adopter STEAM pour englober les arts.
"Looking for Tomatoes through Digital Humanities", parrainé par Hewlett Packard Enterprises, était le premier d'une série d'événements à venir.
Un écosystème culturel à restaurer
Dans son discours d'octobre dernier, Mme Watson a déclaré que «dans la nature, les problèmes écologiques se trahissent par une végétation décimée et l’absence d’espèces sauvages. De même, les problèmes écoculturels se révèlent assez clairement dans les palmarès populaires. Le déclin de la présence des femmes sur les ondes de musique country a laissé le champ libre aux hommes dans cet écosystème.»
Jada Watson tire un parallèle avec les efforts de «réensauvagement» déployés dans le parc national Yellowstone aux États-Unis, où la réintégration des loups a permis de régénérer un écosystème en difficulté. «À mon sens, la culture radiophonique country d’aujourd’hui est un milieu naturel en mal de restauration.»
Selon elle, on pourrait inverser les tendances de cette industrie musicale en intégrant davantage de femmes et de groupes mixtes à la programmation radiophonique.
Dîner-causerie à venir
Les Femmes en innovation et leurs alliés continueront de se donner rendez-vous tout au long de l'année 2020 : le prochain dîner-causerie aura lieu le 11 février prochain, de 11 h 30 à 13 h 30, à la salle 083 du pavillon Tabaret (Sénat). Apportez votre lunch!
Les participantes seront invitées à se présenter et à parler des initiatives et projets auxquels elles prennent part. Pour s'inscrire, devenir bénévole, se renseigner ou proposer des conférencières ou des activités, écrivez à dwittman@uOttawa.ca. Vous pouvez aussi vous joindre au groupe LinkedIn Femmes en innovation.