Podcasteuse
– Pour influencer le vote des jeunes, de plus en plus de campagnes politiques font appel aux créatrices et créateurs de contenu en ligne
– Les frontières s’estompent entre le monde des médias sociaux et celui de la politique, ce qui ouvre la porte à l’interférence étrangère et au financement occulte
– Il faut donc revoir la réglementation pour encadrer le recours aux influenceuses et influenceurs

À l’heure où la campagne électorale bat son plein au Canada, les gens d’influence dans les médias sociaux sont mobilisés comme jamais, tel un prolongement des partis, pour relayer les messages des candidates et candidats auprès du jeune public ou d’autres groupes ciblés de l’électorat. 

Devant cet état des lieux, une équipe de recherche, menée par la professeure Elizabeth Dubois de l’Université d’Ottawa, vient de publier un rapport qui s’intéresse à l’ascendant des influenceuses et influenceurs sur la population votante et aux répercussions de leurs interventions – presque nullement réglementées – dans les campagnes électorales. Intitulé Influenceurs et élections : les nombreux rôles que jouent les créateurs de contenu, le rapport de 46 pages soulève différents motifs d’inquiétude : mésinformation, désinformation, transparence, confidentialité des données, ingérence dans les élections (notamment au moyen l’intelligence artificielle). 

La professeure Dubois, qui dirige le Labo Pol Comm Tech, et sa coauteure, Louise Stahl, chapeautent une équipe qui a épluché les campagnes électorales notables dans les récentes courses à l’investiture autour du monde (États-Unis, Allemagne, Nigeria, Inde, Brésil, Royaume-Uni…) pour examiner les problèmes de transparence et d’éthique soulevés par cet exercice d’influence. Elles se sont même penchées sur la situation ici au Canada avant le lancement de la campagne pour l’élection fédérale du 28 avril. 

Bien qu’on les considère souvent comme de simples maillons de la chaîne publicitaire, le rapport montre que les influenceuses et influenceurs jouent tout un éventail de rôles politiques : tantôt annonceuses ou personnalités promotrices, tantôt participants bénévoles à une campagne, tantôt lobbyistes ou courtières en données, tantôt journalistes ou représentants des médias... la diversité de ces rôles rend difficiles la définition, l’identification et l’encadrement de ce que le rapport appelle les « influenceurs politiques ». Ces gens peuvent parfois s’avérer une formidable force pour la démocratie, en allant interpeller de nouveaux publics, et parfois œuvrer contre elle, lorsqu’on recourt à eux pour violer la confidentialité des données, brouiller les normes éditoriales, manipuler les ficelles politiques et contourner les limites de dépenses électorales ainsi que les lois sur la transparence (pour ne nommer que quelques emplois problématiques). 

Pour renforcer l’encadrement des interventions faites par les influenceuses et influenceurs dans les campagnes électorales, le rapport recommande des mesures comme la modernisation de la réglementation, la mise à jour des plateformes dans une optique de transparence, la sensibilisation des personnes créatrices de contenu et un travail généralisé d’éducation aux médias.

« Nous savons que les créatrices et créateurs de contenu sont incorporés de toutes sortes de façons aux stratégies électorales et que leur contenu peut trouver un fort écho auprès de l’électorat. Mais ce que nous savons rarement, c’est si ces gens sont rémunérés et de quelle façon, s’ils travaillent avec tel ou tel groupe partisan, ou quelles sont leurs normes éthiques », explique Elizabeth Dubois, qui est professeure à la Faculté des arts, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en politique, communication et technologie, et membre du corps professoral au Centre de recherche en droit, technologie et société

Le rapport (en anglais)Influenceurs et élections : les nombreux rôles que jouent les créateurs de contenu, par E. Dubois et L. Stahl (2025), est une publication du Labo Pol Comm Tech de l’Université d’Ottawa. fr.polcommtech.com/ADD Ce rapport a notamment été rendu possible par la Chaire de recherche de l’Université et le Forum pour le dialogue Alex-Trebek.
 

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