Par Linda Scales
Ce printemps, les femmes ont formé la majorité des diplômés de l’Université d’Ottawa, mais pas dans les domaines des STIM. Cette sous-représentation au sein de l’ensemble des étudiants du Canada recevant leurs diplômes dans les domaines des STIM, qui dure depuis plusieurs décennies, attire beaucoup l’attention.
Les raisons sont multiples et symptomatiques d’un problème important. Le Canada doit pouvoir compter sur des personnes ayant une formation scientifique au sein de sa main-d’œuvre pour aider à maintenir la compétitivité et la prospérité du pays. De plus, les femmes sont en train de passer à côté de certaines des professions les mieux rémunérées et qui connaissent la croissance la plus rapide au Canada, comme celles en ingénierie et en informatique, qui exigent des diplômes en STIM.
L’Université d’Ottawa continue d’encourager les femmes à s’inscrire à ses programmes d’études en STIM. C’est pourquoi, au cours de sa collation des grades en juin 2019, elle a souligné les contributions remarquables que deux femmes ont apportées à la société grâce à leurs carrières en STIM. Veena Rawat, chef de file en matière de télécommunications et ingénieure, et Dianne Newman, microbiologiste moléculaire, ont toutes deux reçu un doctorat honorifique.
Veena Rawat bouleverse les attentes
Tout au long de sa vie, Veena Rawat a ouvert la voie et a bouleversé les attentes de la société envers les femmes. Après tout, elle était la seule femme dans ses cours universitaires à Rajasthan, en Inde, et a été la première femme à recevoir un doctorat en génie électrique à l’Université Queen’s.
En 1974, elle a été la première femme à travailler au ministère fédéral maintenant connu sous le nom d’Industrie Canada, commençant sa carrière à titre d’ingénieure, puis accédant à des postes de direction. Elle a passé 28 ans à gérer des programmes liés au spectre de radiofréquences pour les services de communications sans fil et par satellite pour finir présidente du Centre de recherches sur les communications (CRC), le seul laboratoire fédéral à faire de la recherche et du développement en technologies des communications.
Sexisme et discrimination
Il était inhabituel pour les femmes d’étudier le génie et les sciences dans les années 60 et 70 et celles qui le faisaient étaient victimes de sexisme et de discrimination. Mme Rawat, qui a quitté l’Inde pour immigrer au Canada en 1968 et s’est inscrite au programme de doctorat à l’Université Queen’s, n’a pas fait exception.
Ses travaux de doctorat se concentraient sur les communications dans des régions isolées. Lorsqu’elle voulait mettre à l’essai des types précis de câbles dans une mine de nickel souterraine dans le nord de l’Ontario, afin de voir comment les signaux radio pouvaient être transmis, son directeur de thèse et son assistant de recherche, tous les deux des hommes, devaient mener les essais et recueillir les données pour elle, car les femmes n’avaient pas le droit d’aller dans les mines.
En 2003, Mme Rawat est devenue la première et seule femme à ce jour à présider la Conférence mondiale des radiocommunications. Puis, en 2014, elle a été nommée Officière de l’Ordre du Canada en raison de sa « contribution au domaine du génie des télécommunications et de son rôle de figure de proue dans l’élaboration d’un cadre de réglementation mondial pour la gestion du spectre radio ».
Après avoir pris sa retraite de la fonction publique fédérale, Mme Rawat a travaillé à Research in Motion (RIM) en qualité de vice-présidente, Équipe des technologies de pointe, et d’ambassadrice de l’entreprise auprès de l’Union internationale des télécommunications (UIT), une agence des Nations Unies responsable de questions liées aux technologies de l’information et aux communications.
Reconnue dans le monde entier et au Canada en tant que chef de file des télécommunications, Mme Rawat est une pionnière qui se dévoue à l’avancement des femmes, notamment en les encourageant à étudier en génie et en militant pour l’égalité des genres dans les domaines des STIM. Aujourd’hui, elle travaille comme consultante pour des organisations et des entreprises au Canada et à l’étranger.
La découverte remarquable de Dianne Newman
La scientifique Dianne Newman mise sur une approche interdisciplinaire pour trouver des perspectives nouvelles et inattendues sur certains des plus grands défis médicaux de la société.
La professeure Newman, microbiologiste moléculaire au California Institute of Technology, à Pasadena, Californie, fait un rapprochement entre la géologie et la génétique. Sa recherche s’inscrit dans le domaine émergent de l’écologie microbienne, lequel se penche sur la façon dont les bactéries interagissent entre elles et avec leur environnement.
Mme Newman s’intéresse au début de l’évolution de la vie sur la Terre et aux microorganismes piégés dans les roches anciennes de cette époque, il y a des milliards d’années, alors qu’il n’y avait pas d’oxygène dans l’atmosphère. Grâce à sa découverte de Pseudomonas aeruginosa, un type de bactérie du sol qui survit dans des conditions de faible teneur en oxygène et que l’on retrouve dans les poumons remplis de mucus des patients atteints de fibrose kystique, elle crée un pont entre les sciences de la Terre et la médecine.
La compréhension de P. aeruginosa, un pathogène opportuniste causant des infections pulmonaires persistantes, et détruisant ultimement les poumons, pourrait servir à trouver des traitements futurs contre la fibrose kystique ainsi que contre d’autres maladies respiratoires et infections de plaie chroniques.
Fluidité intellectuelle
Mme Newman a fait montre de sa fluidité intellectuelle dans le cadre de son diplôme de premier cycle. Se spécialisant en études allemandes à l’Université Stanford, elle a aussi consacré son temps à mener de la recherche en sciences des matériaux et en dynamique des fluides en vue de se préparer aux études supérieures. Elle a obtenu un doctorat en génie civil et environnemental du Massachusetts Institute of Technology et, par la suite, a effectué des travaux sur la génétique bactérienne en tant que stagiaire postdoctorale à la Harvard Medical School.
En 2016, Mme Newman a été nommée MacArthur Fellow. Appelée officieusement « la bourse pour génie », cette subvention annuelle américaine est considérée comme un « investissement dans l’originalité, la perspective et le potentiel d’une personne ». Plus récemment, en avril 2019, elle a été élue à l’Académie nationale des sciences des États-Unis par ses pairs, une autre grande réalisation, en partie parce que cette nomination salue sa recherche originale.
En tant que membre de cette académie, Mme Newman fait maintenant partie d’un groupe influent qui donne des conseils sur les sciences et les technologies au gouvernement fédéral et à d’autres organismes des États-Unis.
Mme Newman se retrouve en bonne compagnie : quelque 500 membres de l’Académie nationale des sciences sont des lauréats de prix Nobel.