Manisha Kulkarni, professeure agrégée à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, est à la tête du projet de recherche UPTick et d’autres initiatives d’observation des populations de tiques en Ontario. Elle nous parle de la situation qui se profile pour 2023.
Question : À quoi peut-on s’attendre durant la saison des tiques cette année?
Manisha Kulkarni : On s’attend à des populations nombreuses de tiques, car l’hiver doux a favorisé leur prolifération. On en observe déjà à Ottawa et ailleurs en Ontario. Si la pluie et la chaleur persistent, la saison des tiques sera costaude.
Q. : On a l’impression que les tiques sont de plus en plus communes au Canada. Pourquoi?
M. K. : Il est courant d’observer des populations nombreuses de tiques après un hiver doux. Nous recevons des signalements de tiques de toutes les régions de la province par l’intermédiaire de la plateforme eTick. Exceptionnellement cette année, nous en avons reçu tout au long de l’hiver. La présence de tiques en dehors de la saison normale devient plus fréquente.
« On s’attend à des populations nombreuses de tiques, car l’hiver doux a favorisé leur prolifération. Si la pluie et la chaleur persistent, la saison des tiques sera costaude. »
Manisha Kulkarni
— Professeure agrégée à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine
Q. : Verra-t-on plus de tiques cet été dans la région d’Ottawa-Gatineau?
M. K. : L’est de l’Ontario est un habitat de choix pour les tiques à pattes noires, qui peuvent transmettre la maladie de Lyme. Elles sont attirées notamment par les chevreuils et les forêts qui peuplent la région. De plus, les changements climatiques ont créé les conditions propices à leur prolifération. Si l’été est chaud et humide, ce qui est habituellement le cas, la saison leur sera favorable.
Q. : Comment éviter les piqûres de tiques?
M. K. : La vigilance est la clé. Il faut connaître les risques associés à des activités aussi banales qu’une promenade, surtout si on vit en banlieue. Il faut également savoir que le risque de contracter la maladie de Lyme est plus élevé au début de l’été, car c’est la période des jeunes tiques, appelées nymphes. Du fait de leur petite taille, pas plus grande qu’une graine de pavot, elles sont difficiles à repérer et à retirer.
De nouvelles infections vectorielles (un vecteur est un organisme vivant qui transmet un agent infectieux d'un animal infecté à un être humain ou à un autre animal) de tiques à pattes noires font leur apparition dans l’est de l’Ontario, notamment le virus de Powassan et l’anaplasmose. Ces pathogènes se transmettent très rapidement et, dans le cas du virus de Powassan, peuvent causer une encéphalite (inflammation du cerveau) ou une autre maladie grave.
Q. : Quelles précautions faut-il prendre pour se protéger contre les tiques?
M. K. : Au Canada, on trouve sur le marché des vêtements traités à la perméthrine, qui offrent une protection idéale lors des randonnées en forêt ou des travaux d’entretien sur son terrain, par exemple le râtelage des feuilles mortes, sous lesquelles les tiques ont l’habitude de se cacher. On peut aussi appliquer du répulsif à DEET et porter des pantalons longs rentrés dans les chaussettes. Après toute activité extérieure, il faut s’inspecter tout le corps.
Les propriétaires de maison peuvent se prémunir contre les tiques en enlevant les piles de bois et les feuilles mortes ou en appliquant des produits appropriés sur leur terrain. Ces deux dernières années, nous avons testé plusieurs solutions, notamment l’épandage de copeaux de bois traités à la deltatméthrine le long des sentiers de la Ceinture de verdure, qui a prouvé son efficacité.
Q. : Parlez-nous de vos travaux, qui ont apporté un précieux éclairage dans ce domaine de recherche.
M. K. : Depuis quatre ans, le projet UPTick bénéficie du financement de l’Agence de la santé publique du Canada, par l’intermédiaire du Fonds du programme de maladies infectieuses et de changements climatiques. Nous cherchons des solutions urbanistiques pour lutter contre les maladies vectorielles à tiques, qui se répandent à la faveur des changements climatiques. Dans la ville d’Ottawa et ses environs, et plus particulièrement le long des terrains privés adjacents à des secteurs boisés, nous recueillons des spécimens de tiques et de souris afin de délimiter les zones où le risque de transmission de la maladie de Lyme est le plus élevé. Par ailleurs, nous collaborons avec la Commission de la capitale nationale dans le cadre d’autres études. Ainsi, on pourra voir cet été des panneaux présentant des informations et des conseils de prévention sur les tiques le long du sentier d’interprétation des Pins-Gris, dans le secteur du marécage Rocailleux.
Nous voulons sensibiliser la population dans les secteurs de Carp, de Stittsville, de Kanata, d’Orléans et de la Ceinture de verdure, sur les sentiers de la Commission de la capitale nationale et ailleurs dans la région. Tout le monde doit avoir conscience des risques que posent les tiques.
Renseignez-vous sur le projet UPTick.
Les demandes d’entrevue des médias doivent être adressées à la Dre Kulkarni à Manisha.Kulkarni@uOttawa.ca ou à media@uOttawa.ca.