La première fois que Nadine Saint-Amour visite le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) au milieu des années 1970, celui-ci est logé dans l’immeuble Lorne, sur la rue Elgin. Son extérieur de béton n’est certes pas aussi inspirant que le palais de verre où il loge aujourd’hui, mais cela ne revêt aucune importance pour la petite fille de 10 ans qu’elle est alors.
« Au musée, j’ai eu un coup de foudre – proche du syndrome de Stendhal – pour les taches noires et blanches de Paul-Émile Borduas et les iris de Vincent Van Gogh, alors que ces noms m’étaient complètement étrangers. »
Ce printemps, près de 40 ans après cette première visite au musée, Mme Saint-Amour obtient son diplôme avec majeure en histoire et théorie de l’art de la Faculté des arts. Le chemin jusqu’à la collation des grades a peut-être été long, mais sa passion pour l’art et ses études l’aura motivée pendant l’une des périodes les plus éprouvantes de sa vie.
Un diagnostic accablant
Nadine Saint-Amour commence ses études en histoire de l’art et en communication en 1990. Elle ne les termine pas, choisissant plutôt de se concentrer sur sa profession. Elle a mené une brillante carrière dans le domaine des arts et des communications, notamment en tant que chroniqueuse artistique pour la Société Radio-Canada. En 2007, elle décroche un emploi au sein de la Direction générale des communications de l’Université d’Ottawa, où on lui donne l’élan dont elle a besoin pour reprendre ses études.
« Après deux ans d’emploi sur le campus, mes collègues m’ont encouragée à profiter de ce bel avantage que nous avons en tant qu’employés, de pouvoir étudier sans devoir nous acquitter des droits de scolarité », déclare Mme Saint-Amour.
En 2010, elle obtient un premier diplôme en communication et planifie poursuivre ses études, cette fois, en histoire de l’art.
« À l’époque, le travail et la vie – tout était parfait et normal », dit-elle. « Puis, en 2012 – paf! Cancer. »
Le temps, un merveilleux cadeau
Un diagnostic de cancer du côlon de stade 4 la force à abandonner bon nombre d’activités qu’elle adore, mais en 2014, elle reçoit le temps en cadeau. Elle est en rémission.
« J’ai profité d’une rémission qui m’a donné des ailes : au cours de ces deux ans, j’ai repris mon travail, j’ai voyagé à l’étranger – à Chicago, à Paris, à Londres, deux fois à Los Angeles – et ici au pays. J’ai visité des musées dans toutes les villes! » se souvient-elle. « Je me suis forgé un nouveau groupe d’amis. À mon âge – 52 ans –, ce n’est pas si facile! »
Mais surtout, elle décide de s’occuper de ce qu’elle a laissé en suspens : ses études en histoire de l’art, entamées en 1990.
« J’avais une telle soif de vivre après avoir été si malade. Je me sentais tellement chanceuse d’être en vie », dit-elle. « Je ne veux pas avoir l’air de tomber dans la sensiblerie, mais après avoir été frappée par un cancer aussi agressif, j’étais toujours en vie deux ans plus tard… J’ai décidé de terminer mes études une fois pour toutes. »
« J’étais une vraie machine, parce que je voulais finir », dit-elle. « Ne sachant pas ce qui m’attendait au cours de ma rémission, et dans l’avenir, j’ai donné à mes études tout mon cœur. »
L’art est partout
Malheureusement, le cancer finit par récidiver. Mme Saint-Amour souffre maintenant d’un cancer du côlon de stade 4 métastatique qui s’est répandu jusque dans ses poumons. Elle vit un jour à la fois et demeure égayée par les souvenirs de ses études.
« Juste le bonheur d’assister à mes cours d’histoire de l’art, du dernier banc à l’arrière – toujours –, dans la pénombre comme dans un cocon afin de voir les œuvres projetées à l’écran devant, de prendre des notes, de retrouver en ligne toutes les œuvres abordées, de discuter avec le professeur dans tous mes cours, restera un souvenir inoubliable », déclare-t-elle.
Le temps qu’elle a passé en classe n’est toutefois pas qu’un souvenir auquel elle songe avec un peu de nostalgie. Ce qu’elle y a appris enrichit toujours sa façon d’appréhender le monde qui l’entoure.
« Je peux dire ceci : mes études en histoire de l’art ont modifié ma façon de voir, de percevoir les choses » affirme-t-elle. « Les artistes, les courants artistiques, voire l’architecture, l’histoire du costume ou le design racontent la vie, celle des humains. »
Au lendemain de son anniversaire, à 52 ans, Nadine Saint-Amour a reçu son diplôme en histoire et théorie de l’art de la Faculté des arts. Elle s’applique maintenant à faire profiter ceux qu’elle aime de sa passion pour l’art.
« Je visitais une aile du MBAC avec un ami cet hiver et je sentais que l’obtention de mon diplôme donnait davantage de crédibilité à mes explications », dit-elle. « Il n’est jamais trop tard pour les drop outs. »