Combinant érudition et créativité de façon novatrice, il illustre parfaitement l’expertise en recherche internationale et interdisciplinaire de l’Université d’Ottawa, de même que son leadership dans les projets de portée mondiale. S’appuyant sur l’évolution rapide d’un minuscule poisson d’eau douce, les découvertes de Xiatong Cai pourraient aider les ingénieures et ingénieurs, les biologistes et les décideurs politiques à concevoir des stratégies de conservation plus efficaces pour nos cours d’eau.
Raison et émotion. Données et images. Conservation et perte.
Pour le doctorant de l’Université d’Ottawa, il y a deux côtés à la médaille, qui s’influencent mutuellement, et c’est ce qui l’amène à étudier les enjeux de conservation. Bien que sa recherche révèle des dynamiques évolutionnistes complexes dans des rivières à risque, sa photographie évoque l’anxiété et les bouleversements attribuables à la crise environnementale.
« Quand je prends des photos, je m’inspire de ce que je ressens quand je travaille en conservation, explique-t-il. L’idée, c’est de rendre visible ce qui ne l’est pas. »
Une approche qui porte ses fruits. Plus tard ce mois-ci sera publié son plus récent article sur la connectivité fonctionnelle marine (corédigé avec Laura Warmuth, chercheuse boursière de l’Université d’Oxford) dans la revue Ecological Modelling. Par ailleurs, dans les deux dernières années, ses photos ont été honorées par des distinctions de la School of the Photographic Arts (SPAO).
Déjà diplômé en génie de l'environnement à l’Université d’Ottawa, Xiatong Cai fait à la fois un doctorat en génie environnemental à Ottawa et un doctorat en biosciences à Université Nord de Bodø, en Norvège, dans le cadre d’un programme de cotutelle.
« Quand je prends des photos, je m’inspire de ce que je ressens quand je travaille en conservation, explique-t-il. L’idée, c’est de rendre visible ce qui ne l’est pas. »
Xiatong Cai
— Doctorant en génie environnemental à Ottawa et en biosciences à Université Nord de Bodø
Quand la stratégie de conservation n’arrive pas à suivre le rythme des changements climatiques
Les changements climatiques frappent durement les réseaux hydrographiques. Les fluctuations climatiques perturbent le débit fluvial, ce qui accélère l’érosion et augmente le risque d’inondation. « Pour l’instant, la situation est trop incertaine pour que les stratégies de conservation en place soient efficaces », explique Xiatong Cai.
En règle générale, les stratégies sont issues d’un mélange entre le génie hydraulique et les sciences environnementales. Mais le doctorant affirme que la plupart d’entre elles font fi de la biologie évolutionniste, particulièrement de l’accélération de l’évolution des grands changements environnementaux qui forcent des espèces à s’adapter beaucoup plus rapidement que prévu (parfois en quelques générations seulement).
Selon lui, les nouvelles théories de conservation doivent combiner les deux côtés de la médaille. « Notre équipe tente de combler cette lacune. »
Un poisson de 8 cm, la solution pour des modèles plus efficaces?
Voilà qu’entre en jeu l’épinoche à trois épines, un poisson d’eau douce commun dans les eaux côtières et intérieures au nord du 30e parallèle. Trop petit pour mériter sa place sur le mur de la renommée des adeptes de pêche, ce poisson est considéré par les scientifiques comme « le vertébré le plus variable »; il change rapidement de taille, de couleur et même d’habitudes de reproduction en réponse aux changements dans son environnement. Comme son espérance de vie est assez courte (deux à quatre ans), les chercheuses et chercheurs peuvent observer ces changements en quelques années seulement.
L’épinoche, c’est le chaînon manquant qui relie les changements climatiques, le génie hydraulique, la biologie évolutionniste et les sciences environnementales. La thèse de Xiatong Cai présente une dynamique circulaire : les activités climatiques et anthropiques modifient le débit d’une rivière, ce qui engendre des réponses évolutives rapides chez l’épinoche. Ses constats se baseront sur des données de sites de recherche en Belgique et sur l’île de Vancouver.
Tout évolue, partout, tout le temps
Il pourrait sembler exagéré d’attribuer la dynamique circulaire à un poisson d’à peine 8 centimètres, mais l’idée ne date pas d’hier. Elle remonte plutôt près de 30 ans en arrière, lorsque des chercheurs et chercheuses se sont penchés sur les facteurs qui entraient en jeu dans la conservation des poissons de rivière. Deux chercheurs en particulier, le professeur en génie à l’Université d’Ottawa Colin Rennie et le professeur de biologie à l’Université Nord A. M. Raeymaekers, encadrent maintenant les travaux de recherche doctorale de Xiatong Cai.
Colin Rennie avait abandonné l’idée faute de données génétiques et A. M. Raeymaekers, faute de données hydrauliques. Xiatong Cai bénéficie de l’appui d’une équipe de chercheuses et chercheurs provenant du Canada, de la Norvège, de la Belgique, de la France, des États-Unis et de la Finlande avec une expertise en hydraulique, en hydrologie, en écologie et en évolution. Cette recherche tire également profit du système hydraulique belge bien documenté et d’anciens échantillons d’épinoche.
« C’était comme tenter de résoudre un casse-tête, explique le doctorant. Nous avions tous et toutes nos propres pièces, mais ce n’est qu’en mettant tout en commun que nous avons pu voir le portrait complet. »
Les résultats préliminaires sont prometteurs. Si sa soutenance de thèse est acceptée, Xiatong Cai pense que le domaine de l’hydraulique écologique se transformera en ce qu’il appelle « l’hydraulique écologique évolutive ».
Ce nouveau domaine permettrait aux efforts de conservation d’évoluer eux aussi. Les agentes et agents de protection de la nature pourraient joindre leurs forces à celles des ingénieures et ingénieurs afin d’élaborer des modèles plus efficaces. Les scientifiques pourraient déterminer quels gènes de l’épinoche permettent sa rapide adaptation. Les gouvernements pourraient s’inspirer de ces constats pour établir des politiques et des programmes de conservation mieux informés.
« Il devrait bien y avoir une manière d’accroître la résilience de tout le système. »
Le transfert des connaissances pour de meilleures politiques de conservation
À l’instar des affluents des rivières qu’il étudie, le doctorant informe, par sa recherche, des organismes internationaux axés sur les politiques de conservation et environnementales. Outre ces études doctorales, Xiatong Cai codirige une initiative de recherche internationale dans le cadre de l’action SEA-UNICORN, avec l’appui de la Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique (COST) et de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable. Il participe également aux efforts de transfert des connaissances d’un autre projet en lien avec la surveillance de la diversité génétique de la COST, une autre preuve qui démontre son aise à l’interface de l’analytique et de la créativité.
« Le projet cherche quelqu’un pour faire le pont entre le génie et la biologie et ainsi rendre les communications plus efficaces. Voilà la clé d’une politique de conservation opérante. »
« Ça m’attriste de voir que certaines personnes ne se préoccupent pas des changements climatiques. On perd quelque chose sans même s’en rendre compte. »
Xiatong Cai
— Doctorant en génie environnemental à Ottawa et en biosciences à Université Nord de Bodø
Rassembler le tout dans des travaux postdoctoraux
Xiatong Cai prévoit déjà faire des travaux postdoctoraux à l’Université d’Ottawa dans le but de mieux comprendre les effets de l’évolution sur la morphologie des rivières, en intégrant toutes les données qu’il a recueillies et en s’inspirant de la communauté de leadership internationale.
Malgré ses accomplissements, il garde toute son humilité et reste concentré. Qu’il utilise les données ou les images comme support, la conversation de la nature reste au cœur de tout ce qu’il entreprend.
« Ça m’attriste de voir que certaines personnes ne se préoccupent pas des changements climatiques. On perd quelque chose sans même s’en rendre compte. »