Par Johanne Adam
Marie-Josée Massicotte a passé sa carrière à se questionner sur des sujets difficiles à aborder en raison des tabous qui y sont associés. Elle travaille depuis des années en Amérique Latine sur des enjeux de justice sociale, de démocratie et de participation citoyenne — de la résistance aux accords commerciaux au Mexique, à celui des mouvements paysans au Brésil, en passant par les conflits sociaux et environnementaux dans l’État de Oaxaca.
« Mes recherches soulèvent des enjeux de genre, de défense du territoire et de défense de la vie. Ce sont des thèmes qui impliquent et qui interpellent particulièrement les femmes, car elles sont les premières sur les lignes de front », explique celle qui a fait son baccalauréat, sa maîtrise et son doctorat en études politiques.
Ce n’est donc pas un hasard si Marie-Josée Massicotte s’est retrouvée, en septembre 2018, à la barre de l’Institut d’études féministes et de genre de l’Université d’Ottawa. Bien qu’elle ne soit pas une spécialiste des études féministes, elle a toujours eu un penchant naturel pour le sujet.
« Je suis tout de même restée surprise lorsqu’on m’a approchée pour prendre la direction de l’Institut. On m’a dit : "Tu as toujours défendu les préoccupations féministes et nous croyons que tu sauras bien représenter les enjeux qui concernent l’Institut". »
Dans le but de mieux faire connaître le rôle de l’Institut sur le campus et ailleurs dans la communauté, Marie-Josée Massicotte a accepté de répondre à nos questions.
Quelle est la mission de l’Institut d’études féministes et de genre ?
L’Institut a le mandat de former des étudiants issus de toutes les facultés, tant au niveau du baccalauréat que des études supérieures, afin qu’ils puissent approcher les enjeux de société avec une perspective de genre ou féministe.
Qu’il s’agisse de féminisme, de sexisme, de racisme, de droit des autochtones ou de masculinité, les enjeux de diversité, d’équité et de respect de la différence sont au cœur des études féministes et de genre et suscitent constamment des débats au Canada et ailleurs dans le monde.
On peut évidemment penser au mouvement #MeToo. Mais outre les violences envers les femmes, il y a une panoplie d’enjeux et de multiples formes d’oppressions qui affligent certains de nos étudiant·e·s et employé·e·s à l’Université même. L’affichage haineux envers la population musulmane n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Les programmes de l’Institut préparent les jeunes à devenir des acteurs engagés de la société, peu importe le type de carrière vers lesquels ils se dirigent. Ce savoir-faire, ils pourront l’appliquer tant en entreprise privée que dans la fonction publique, ainsi qu’au sein d’organisations non gouvernementales ou communautaires.
Constatez-vous un essor de ce champ d’études ?
Oui, mais le tabou social associé à nos programmes persiste. Lors des journées portes ouvertes par exemple, de nombreux parents disent craindre qu’il y ait peu de débouchés pour un diplôme en études féministes et de genre.
Je crois qu’au contraire, ce diplôme a beaucoup de valeur sur le marché du travail aujourd’hui, car l’équité et la promotion de la diversité sont au cœur de nos débats de société. Tant au sein des gouvernements que dans les milieux artistiques, on cherche par tous les moyens à promouvoir et à mieux intégrer la diversité, entre autres à partir d’analyses basées sur le genre.
Aussi, les nouvelles cohortes étudiantes sont beaucoup plus préoccupées par les enjeux LGBTQ ou autochtones par exemple. Ils veulent savoir comment contrer les stéréotypes et les inégalités.
Les hommes sont-ils nombreux à y suivre des cours ?
Il y a toujours plus de femmes dans les cours, mais la présence d’étudiants masculins en études des femmes est à la hausse. J’ai présentement 50-50 pour la représentation homme-femme dans mon séminaire d’études supérieures.
Quel sont vos objectifs à titre de directrice ?
L’un de mes objectifs consiste à accroitre la visibilité des recherches réalisées au sein de l’Institut puisque nos professeurs et chercheurs abordent les enjeux de société de façon innovatrice. C’est le cas par exemple de la professeure Christabelle Sethna, coauteure du livre Animal Metropolis, qui traite du droit des animaux tout en faisant des croisements avec les enjeux féministes.
La professeure Gulzar R. Charania propose pour sa part un cours sur les théories queer, dans lequel elle analyse l’histoire des études gaies et lesbiennes. Elle se penche aussi sur l’émergence des théories et de la culture queer.
Je vais par ailleurs continuer à tisser des liens avec les communautés féministes, queer et marginalisées, tant sur le campus qu’ailleurs dans la communauté. Ça fait partie de notre mandat de promotion de la justice sociale.
Enfin, nous tentons d’embaucher davantage de professeurs à l’Institut car nos cohortes d’étudiantes prennent de l’ampleur année après année, tant au baccalauréat qu’aux études supérieures et c’est un domaine interdisciplinaire de formation et de recherche d’avenir.