« Essentiellement, on récompense ainsi l’ensemble d’une carrière, confie la professeure Smith?. Il y a eu un moment où je me suis dit : ‘‘Suis-je vraiment assez vieille pour ce prix?’’ Mais il s’avère que je suis la personne la plus jeune à l’avoir reçu. » Ce petit coup du destin représente bien ce qui rend son histoire remarquable : de nombreuses années d’ardeur et d’efforts dans le cadre d’une carrière qui continue d’évoluer.
Stacey Smith? s’intéresse à la modélisation mathématique des maladies infectieuses, en particulier les interventions comme la vaccination et les politiques de santé publique. Ses recherches ont orienté d’importantes décisions, notamment à l’Université d’Ottawa au début de la pandémie de COVID-19. Lorsque la direction de l’Université a eu besoin de projections pour orienter ses décisions en matière de sécurité, la professeure Smith? a rapidement levé la main. « J’ai conçu un modèle en une soirée et j’ai transmis mes résultats à 2 h du matin », se souvient-elle. À 9 h, l’Université d’Ottawa est devenue l’une des premières universités au monde à cesser ses activités en personne.
Cet instinct qui pousse la professeure Smith? à agir de manière rapide, rigoureuse et responsable est une caractéristique importante de sa carrière. Elle a été la première à utiliser les équations différentielles impulsives, des équations qui décrivent les changements instantanés, dans le domaine de la modélisation des maladies infectieuses, une méthode désormais largement utilisée pour optimiser le moment où doivent avoir lieu les interventions comme la vaccination ou le traitement de l’eau. Elle a également contribué à l’élaboration de politiques concrètes : ses travaux préliminaires sur la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH) ont eu une incidence directe sur la modification des directives de santé publique au Québec.
Mais ce ne sont pas seulement les équations qu’elle apprécie dans son travail – les gens aussi. « Ce que j’aime le plus de mon travail, c’est le mentorat », ajoute-t-elle. Elle collabore en effet avec des étudiantes et étudiants de tous les cycles pour transformer des projets scolaires en articles de renommée internationale (sa modélisation mathématique des zombies, par exemple, a suscité un vif intérêt dans la presse mondiale). Leader au sein de la Société de biologie mathématique, elle dirige également des ateliers de début de carrière et facilite le jumelage en mentorat pour aider la relève en recherche à s’orienter dans ce qu’elle qualifie de « labyrinthe » d’obstacles universitaires.
« Ce que j’aime le plus de mon travail, c’est le mentorat »
Stacey Smith?
— Professeure, Département de mathématiques et de statistique
Issue de la classe ouvrière et première personne de sa famille à avoir fréquenté l’université, Stacey Smith? sait à quel point ce labyrinthe peut être tortueux. Elle attribue sa persévérance à son propre courage et aux mentores et mentors dont elle a croisé la route, et elle est maintenant déterminée à aider les autres. « Le milieu universitaire a tendance à s’autoreproduire, explique-t-elle. Je veux clarifier l’itinéraire pour celles et ceux qui ne commencent pas avec la carte en main. »
Qui plus est, elle défend ardemment la diversité et l’inclusion. Conférencière d’honneur à des événements comme la Conférence 2ELGBTQ+ dans les STIM, elle aborde souvent son expérience en tant qu’universitaire trans pour remettre en question les présomptions désuètes dans le domaine scientifique. « Il ne suffit pas de parler de genre ou de maternité, confie-t-elle. Nous devons également traiter de race, de handicaps et d’autres obstacles qui sont rarement abordés. »
Que ce soit en élaborant des modèles pour prédire la propagation des maladies ou en rédigeant des ouvrages scientifiques populaires sur les pandémies, Stacey Smith? jette des ponts entre la rigueur et la pertinence. « Beaucoup de gens me disent qu’ils détestent les mathématiques, mais qu’ils ont entièrement lu mon article sur les zombies, raconte-t-elle en riant. Je considère cela comme une victoire. »
Elle continue aujourd’hui de travailler sur des enjeux de santé mondiale, comme les maladies tropicales négligées et la préparation aux pandémies. Elle a récemment accueilli une cohorte de chercheuses et chercheurs dans le cadre du programme d’été de premier cycle de l’Institut Fields pour la recherche en sciences mathématiques, et elle se prépare à un congé sabbatique au cours duquel elle prendra part à plusieurs collaborations internationales.
« Il est urgent de préparer l’avenir de la biologie mathématique, précise-t-elle. À cette époque de plus en plus marquée par les changements climatiques, les pandémies mondiales et la mésinformation, nous avons besoin des mathématiques et de personnes capables d’expliquer leur importance. »
Avec son esprit vif, ses stratégies de communication créatives et sa profonde humanité, Stacey Smith? ne fait pas que modéliser les maladies : elle modélise le changement.
Pour en savoir plus
- Page d’accueil de Stacey Smith? (en anglais seulement)
- Fellows de la Société de biologie mathématique (en anglais seulement)