L’idée de ce projet a germé peu après l’arrivée de la professeure St. Pierre à l’Université d’Ottawa en 2023. Sa collègue et amie de longue date Ashley Dubnick, titulaire d’un doctorat de l’Université du Yukon, lui a fait part de sa vision : travailler main dans la main avec les communautés du Nord sur des enjeux qui leur tiennent à cœur. La collaboration a été bien accueillie par les membres de la Première Nation Tlingit de Taku River, qui ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du rétrécissement des glaciers et des effets sur les habitats des poissons et les systèmes d’eau douce. Les bases d’un projet de recherche collaboratif, qui lie la science occidentale et les systèmes de savoir autochtones, ont ainsi été posées.
La particularité du lac Atlin réside dans sa géographie. La rivière qui s’y écoule divise le lac en deux; la moitié sud est toujours alimentée par les glaciers, alors que la moitié nord n’est plus sous leur influence. Ce contraste naturel offre une occasion inestimable de faire des comparaisons. À quoi les écosystèmes aquatiques ressemblent-ils avec et sans apport glaciaire? Et surtout, que nous réserve l’avenir à mesure que les glaciers continuent de reculer?
Le travail sur le terrain est à la fois rigoureux et époustouflant. Les étudiantes et étudiants ainsi que l’équipe de recherche se déplacent en hélicoptère pour aller installer des capteurs dans les rivières et prélever des échantillons d’eau, qui sont en grande partie analysés dans les laboratoires de pointe de l’Université d’Ottawa. Des bateaux traversent aussi le lac, guidés par les membres du programme de gardiens de la terre de la Première Nation Tlingit de Taku River. Ce projet scientifique est ainsi ancré dans le territoire, la mémoire et les relations – les aspects logistiques et les connaissances acquises par l’expérience y revêtent autant d’importance que les outils de mesure.
Grâce au soutien d’ArcticNet, l’équipe peut désormais élargir son champ d’action. Créé dans le cadre du Programme des réseaux de centres d’excellence, ArcticNet rassemble des scientifiques, des ingénieures et ingénieurs et des spécialistes de différentes disciplines, ainsi que des organisations inuites, des communautés nordiques, des organismes gouvernementaux et des acteurs du secteur privé pour étudier les effets des changements climatiques et socioéconomiques dans le Nord canadien. Grâce à ce financement, l’équipe de recherche peut se rendre sur place à différentes saisons pour observer les variations qui se produisent tout au long de l’année et collaborer avec un plus grand nombre d’établissements et de partenaires locaux. Le travail y est profondément interdisciplinaire et intègre tant l’écologie que la glaciologie et la géochimie. Cette façon de faire permettra de comprendre de façon globale le fonctionnement de ces écosystèmes fragiles et d’apprendre comment les protéger.
Pour la professeure St. Pierre, l’aspect humain est l’un des plus significatifs du travail. En plus de faire des travaux de thèse liés directement aux questions soulevées par les partenaires des Premières Nations, les étudiantes et étudiants de cycles supérieurs font aussi l’expérience de la science en tant que service et participent à un échange de connaissances. Un étudiant au premier cycle a même obtenu un emploi à l’Université du Yukon après avoir participé au programme pendant un été et a choisi de rester sur place pour continuer les travaux.
À mesure que les données commencent à affluer, l’objectif est clair : réinjecter ces données dans les plans d’intendance élaborés par la Première Nation Tlingit de Taku River et soutenir les efforts de conservation régionaux grâce à des connaissances factuelles. Le projet collaboratif soutient également des initiatives plus larges comme Living Lakes Canada et les programmes de surveillance menés par le gouvernement du Yukon.
Le territoire où sont menées les recherches est peut-être éloigné, mais il a une importance mondiale. Un modèle d’action émerge des bassins versants du lac Atlin. Respectant les rythmes et les réalités du Nord, il combine des travaux scientifiques de pointe à des recherches menées par la communauté. Et même si les lacs sont parfois profonds et imprévisibles, la confiance et la mission commune qui animent ce partenariat, elles, sont stables.
Pour en savoir plus
- Première Nation Tlingit de Taku River (en anglais seulement)
- Programme de gardiens de la terre (en anglais seulement)
- ArcticNet
- Recherche sur les changements climatiques – Université du Yukon (en anglais seulement)