Shawna Button
Shawna Button | Crédit image : C. L. Cusack
C’est un deuil personnel qui a amené Shawna Button (M.A.Éd., 2025) à s’intéresser de plus près à la santé mentale et à prendre la voie d’une carrière de psychothérapeute.

Cette doctorante à la Faculté d’éducation prend appui sur son parcours d’études et son propre vécu dans ses travaux sur la supervision en psychothérapie, un aspect crucial de la formation des thérapeutes pourtant négligé par la recherche. « La supervision joue un rôle crucial dans la formation des thérapeutes et peut influencer leur décision de poursuivre ou d’abandonner; c’est un facteur décisif », dit-elle.

Cette entrevue a eu lieu dans le cadre de la série Les universitaires en éducation

Pourquoi avez-vous choisi de faire des études supérieures?

J’ai obtenu un diplôme de premier cycle en psychologie, puis j’ai un peu travaillé dans le domaine de la haute technologie avant d’entreprendre des études supérieures. 

Ébranlée par le suicide d’un être cher dans ma famille et le deuil qui s’en est suivi, j’ai décidé de m’inscrire au programme de psychologie du counseling. 

En plus de mon emploi à temps plein, j’ai commencé à faire du bénévolat auprès de victimes de crimes, ainsi qu’au laboratoire de recherche sur les relations enfants-parents et leur environnement (CARE Lab) de l’Université d’Ottawa, pour me donner un avant-goût de la recherche. Le contact avec ces personnes et mon propre processus de deuil m’ont menée sur une autre voie : celle de la pratique et de la recherche en santé mentale. 

Aujourd’hui, je suis psychothérapeute autorisée (stagiaire) en cabinet et je travaille auprès d’enfants, de jeunes et de leurs parents. Je me spécialise dans les domaines du deuil, du traumatisme et de la neurodivergence (par exemple, l’autisme et le TDAH). J’ai terminé ma thèse de maîtrise tout en travaillant au Laboratoire d’étude du cerveau et du comportement dirigé par Tracy Vaillancourt, et je poursuis actuellement un doctorat sous la direction de Nicola Gazzola.

Sur quoi votre doctorat porte-t-il?

Je m’intéresse à un aspect qui me passionne : la supervision en psychothérapie. La supervision est la pierre angulaire de l’apprentissage et du développement professionnel – et personnel – des thérapeutes en devenir. Mais cette activité clinique n’est pas encadrée par des normes ou des lignes directrices clairement définies, et c’est cette lacune que je cherche à combler.  

Parallèlement, j’explore aussi la formation de l’identité des thérapeutes. J’essaie de comprendre ce qui facilite l’apprentissage et le perfectionnement dans la profession, tant pour les psychothérapeutes que pour leurs superviseures et superviseurs. Je réalise une étude qualitative à partir de données recueillies lors d’entrevues.  

Ces renseignements m’aideront à établir des pratiques de supervision favorables à la progression des thérapeutes. Ils m’indiqueront également les principales compétences et approches pédagogiques qui entrent en jeu dans la formation en supervision clinique.  

J’ai reçu une formation en recherche quantitative, c’est donc nouveau pour moi d’effectuer une étude qualitative. C’est un défi stimulant, et j’espère que mon parcours encouragera d’autres étudiantes et étudiants à sortir des ornières – c’est possible, et ça vaut la peine d’essayer et de faire ce qui nous passionne! 

Qu’est-ce qui a éveillé votre intérêt pour ce domaine?

Je me suis toujours intéressée aux mécanismes d’apprentissage, aux raisons qui nous poussent à faire des choix et aux facteurs propices à la croissance, qui renforcent la confiance en soi et en son travail.  

Après la formation de base dans leur programme d’études supérieures, les thérapeutes commencent leurs stages pratiques et poursuivent leur apprentissage « sur le tas », pour ainsi dire. Durant cette période, les stagiaires donnent des consultations avec les conseils de leur superviseure ou superviseur, tout en développant leur identité et leur style en tant que thérapeutes. Or, une bonne supervision peut inspirer et motiver les stagiaires, mais une mauvaise peut ébranler la confiance en soi et conduire à l’épuisement professionnel.  

Alors que la supervision est une nécessité universellement reconnue dans la profession, ne faudrait-il pas approfondir la formation et établir des approches pédagogiques fondées sur des données probantes pour mieux préparer les superviseures et superviseurs à bien faire leur travail? En somme, c’est cette réflexion conjuguée à ma propre expérience très positive avec la personne qui a assuré ma supervision clinique que j’ai eu l’idée de cette recherche.

La personne qui me supervise actuellement adopte une approche formidable, à la fois directive et bienveillante, tout en m’encourageant à développer ma propre identité de thérapeute. J’aimerais que les stagiaires puissent toutes et tous bénéficier d’une aussi belle expérience. 
 

À qui cette étude profitera-t-elle?

J’espère qu’elle profitera aux psychothérapeutes et à leurs superviseures et superviseurs cliniques, de même qu’à leur clientèle. Si nous parvenons à cerner les conditions d’une « bonne » supervision et à établir un profil de compétences, puis les besoins de formation pour les superviseures et superviseurs cliniques, alors nous serons en mesure d’améliorer les services de psychothérapie, ainsi que le bien-être des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale. 

Pour être passée par là, je sais à quel point les débuts des thérapeutes peuvent être intimidants. On veut aider la personne qu’on a devant nous, alors qu’on est toujours en apprentissage et qu’on n’a pas encore de solides bases dans ce nouvel emploi. Nul doute que les thérapeutes en formation bénéficieraient d’une meilleure supervision, mais en outre, si ces thérapeutes en supervisent d’autres à leur tour durant leur carrière, leur expérience positive rejaillira sur leurs propres méthodes de supervision. 
 

Parlez-nous des nouvelles connaissances qui ont modelé votre réflexion.

Je dirais qu’au cours de mes études, mon passage au Laboratoire d’étude du cerveau et du comportement et mon expérience pratique en counseling, où j’ai beaucoup appris sur les neurodivergences (qui recouvrent l’autisme et le TDAH) et les différences cérébrales, ont changé ma vision du monde et ma façon d’être avec les autres et dans une relation thérapeutique.

J’ai appris par exemple à adapter mes modes de communication, à répondre à différents besoins sensoriels ou simplement à exprimer de la compassion et de la compréhension.

Je crois qu’il est important d’avoir une approche qui tient compte de la neurodiversité et une connaissance générale de ce phénomène, non seulement dans la thérapie, mais aussi dans nos relations entre collègues et dans un contexte de supervision clinique. C’est une approche avantageuse pour tout le monde!
 

Pourquoi avez-vous choisi l’Université d’Ottawa ?

J’ai d’abord choisi l’Université d'Ottawa pour mes études supérieures parce que j’avais entendu d’excellents commentaires au sujet du programme de psychologie du counseling offert par la Faculté d’éducation. J’ai eu une merveilleuse expérience en tant qu’assistante de recherche bénévole au sein du laboratoire CARE, et plusieurs membres du corps professoral de la Faculté faisaient un travail que j’admirais sincèrement et auprès desquels je souhaitais avoir l’occasion d’apprendre. Lorsque le moment est venu de poser ma candidature au doctorat, la décision de rester à l’Université s’est imposée naturellement. J’avais tissé des liens significatifs avec d’autres collègues et membres du laboratoire qui m’avaient profondément influencée et continuaient de m’inspirer. J’ai reçu un soutien et un mentorat exceptionnels, en particulier de ma directrice de mémoire de maîtrise, la professeure Vaillancourt, qui m’a encouragée à continuer de me dépasser et à poursuivre des objectifs que je croyais autrefois hors de ma portée.