Saison des tiques et des moustiques : ce qu’il faut surveiller en 2024

Par Paul Logothetis

Media Relations Agent, University of Ottawa

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Épidémiologie et santé publique
Recherche et innovation
Tique à pattes noires sur une feuille de plante tenue par le doigt
Roman McKay
Conséquences des changements climatiques, un hiver doux et un dégel hâtif permettent aux populations de tiques de survivre et de se multiplier dans l’est du Canada.

La combinaison hiver doux et dégel printanier hâtif risque de devancer le début de la saison des tiques, car les changements climatiques accélèrent le retour de cette menace que sont les insectes vecteurs de maladies infectieuses, comme les moustiques. 

Manisha Kulkarni, professeure agrégée à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, est à la tête d’initiatives d’observation des populations de tiques à Ottawa et dans la région de l’est du Canada, dont le projet de recherche UPTick. L’Agence de la santé publique du Canada vient d’ailleurs de refinancer, par l’intermédiaire du Fonds du programme de maladies infectieuses et de changements climatiques, les travaux qui seront menés au cours des trois prochaines années dans le cadre de ce projet.

La professeure, qui a dernièrement été nommée directrice scientifique du Canadian Lyme Disease Research Network, brosse un portrait de la saison des tiques et des moustiques que nous connaîtrons en 2024.


Question : Vous anticipez un retour hâtif des tiques ce printemps. Pourquoi?
Manisha Kulkarni : Normalement, il n’y a pas tant d’activité du côté des tiques avant le mois d’avril. Cette année, nous avons toutefois constaté une augmentation du nombre de signalements, sur eTick, pour l’est de l’Ontario. Les tiques à pattes noires peuvent s’activer lorsqu’il fait plus de 4 °C. Alors, l’hiver doux que nous venons de connaître en Ontario a probablement contribué à les garder actives. D’après les photos que nous avons reçues, des tiques ont été aperçues (notamment sur des animaux domestiques) dans certaines régions du sud de l’Ontario et, à quelques reprises seulement, dans l’est de l’Ontario en décembre et en janvier.

Manisha Kulkarni et Roman McKay pratiquant le tirage de tiques
Roman McKay

« Nous devons absolument adopter l’approche « une seule santé », qui tient compte de l’interdépendance entre la santé de l’environnement, la santé des animaux et la santé humaine. »

Manisha Kulkarni

— professeure agrégée à l’École d’épidémiologie et de santé publique et à la tête d'UPTICK

Roman McKay

Q : Quelles seront les conséquences de cet hiver court et de ce dégel hâtif sur les tiques, les moustiques, etc.?
MK : Il est probable que la saison des tiques et des moustiques commence tôt en raison des températures plus chaudes et de l’hiver plus court, mais cette situation dépendra aussi du printemps que nous aurons. Les tiques et les moustiques ont besoin d’humidité pour survivre et de températures chaudes pour devenir actifs. Par conséquent, un printemps chaud et des précipitations abondantes favoriseront la prolifération des insectes. Comme l’enneigement a été moins important dans certaines régions, le temps pourrait être plus sec que d’ordinaire. La quantité de précipitations sera donc un important facteur à surveiller.

Q : En ce qui concerne la présence des tiques, à quoi ressemble la tendance qui se dessine?
MK : Nous constatons que les populations de tiques à pattes noires continuent de croître, et leur présence est plus en plus endémique en Ontario, au Québec et dans les provinces de l’Atlantique. Dans ces régions du Canada, nous constatons généralement l’émergence d’agents pathogènes transmis par les tiques quelques années après l’installation de ces dernières dans une zone donnée, en fonction du type d’habitat, des conditions climatiques et de la présence d’espèces sauvages réservoirs d’agents pathogènes. 

Les changements climatiques ont provoqué une tendance des températures à la hausse et un allongement des saisons, ce qui permet aux populations de tiques de survivre et de se multiplier. Comme elles ont plus de temps pour trouver un hôte au printemps, en été et à l’automne, elles sont plus nombreuses à se reproduire. Voilà qui entraîne à la fois une expansion des zones d’endémicité et une augmentation de la quantité de tiques à l’intérieur de ces zones. 

Malheureusement, la proximité de ces zones avec les lieux où nous vivons et que nous utilisons à des fins récréatives accroît le risque d’exposition aux tiques pour celles et ceux qui habitent les secteurs résidentiels et dont la cour arrière jouxte une zone boisée. L’augmentation de la population et le développement des zones périurbaines en nouveaux secteurs contribuent également à l’accroissement des risques que nous avons constaté. 

Il est nécessaire de surveiller les populations de tiques dans différents environnements et les infections qu’elles peuvent transmettre, car ces données signalent en amont les risques de santé publique se rapportant aux maladies transmises par les tiques. Nous devons absolument adopter l’approche « une seule santé », qui tient compte de l’interdépendance entre la santé de l’environnement, la santé des animaux et la santé humaine. En cernant les zones de risque, nous pourrons mieux définir les messages et les interventions pour nous assurer que le public connaît les risques et ainsi mieux prévenir l’infection humaine. Une telle stratégie permettrait de mieux renseigner les professionnelles et professionnels de la santé, ce qui accélérerait l’obtention d’un diagnostic et d’un traitement en cas d’infection.

Q : Quelles seront les répercussions du refinancement obtenu pour le projet UPTick sur vos travaux?
MK : La prochaine phase du projet nous aidera à mieux définir les zones où il y a des risques de contracter la maladie de Lyme et d’autres maladies transmises par les tiques dans les quartiers d’Ottawa, notamment en banlieue et dans les zones périurbaines de Carp, Kanata, Blackburn Hamlet et Findlay Creek. De plus, nous intensifierons nos activités de sensibilisation et mènerons un sondage en vue d’obtenir de l’information sur les connaissances et les perceptions des résidentes et résidents d’Ottawa en matière de maladies transmises par les tiques, sur leur application des mesures de prévention et sur leur attitude à l’égard de ces mesures. Dans cette phase du projet, nous continuerons de collaborer avec nos partenaires au sein d’organismes de santé publique et de conservation des terres. 

Nous espérons que les résultats de ce projet contribueront ultimement à l’élaboration de stratégies locales appropriées et ciblées qui permettront d’atténuer les risques croissants de contracter une maladie transmise par les tiques qui pèsent sur la population d’Ottawa

Demandes médias (entrevues en anglais) : media@uOttawa.ca