La cueillette, l’analyse et le partage de données à grande échelle permettent d’approfondir les connaissances, de diffuser de l’information et de prendre des décisions éclairées. En cette ère des données ouvertes, nous avons accès à une quantité phénoménale d’information. De quelle façon les organisations peuvent-elles diffuser ces chiffres d’une manière novatrice, créative et humaine?
Affaires mondiales Canada (AMC) explore cette question dans le cadre d’un projet pilote appelé Les données prennent forme qui invite des artistes de diverses universités au pays à raconter visuellement l’impact mondial d’AMC à l’aide du médium de leur choix. Cette initiative, la première du genre à être proposée par le gouvernement du Canada, vise à favoriser l’innovation en instaurant un dialogue entre le milieu universitaire, les étudiants artistes et les experts d’AMC.
« Le projet vise à susciter l’enthousiasme pour une culture de données et à explorer de nouvelles façons de partager le travail que nous faisons, explique Robert Hawara, directeur par intérim du programme de données et d’analyse et responsable de l’initiative Les données prennent forme à Affaires mondiales Canada. Les études démontrent que les gens retiennent davantage l’information lorsqu’il y a un appel à l’expérience humaine, aux émotions et à la beauté. C’est exactement ce que nous explorons avec cette initiative : l’approche rationnelle, basée sur les faits et les données, en lien avec une approche plus artistique, plus esthétique et plus inspirante. »
À l’Université d’Ottawa, la proposition d’AMC a amené trois personnes de différents horizons à unir leurs talents. Jennifer Macklem, professeure agrégée au Département d'arts visuels, Willem Deisinger, étudiant au B.A. spécialisé en philosophie et beaux-arts, et Devansh Shah, étudiant au B.Sc.A. en génie mécanique, ont travaillé sur leur projet commun pendant un an.
Le résultat final est une installation permettant de visualiser trois des programmes d’AMC : le Programme de coopération volontaire, le Programme de stages internationaux pour les jeunes et l’Initiative de Stages internationaux pour les jeunes Autochtones.
L’œuvre a d’abord été présentée dans le cadre de la Semaine du développement international, avant de voyager à travers le Canada. Nous avons rencontré l’équipe pour en apprendre plus sur cette collaboration unique en son genre.
Devansh et Willem, vous venez tous les deux de domaines d’études très différents. Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux arts visuels?
Devansh Shah (DS) : Mon intérêt pour les arts est né il y a quelques années, quand je travaillais pour un studio de design industriel. C’est là que j’ai d’abord été exposé à la possibilité d’allier le génie et les arts. J’ai ensuite collaboré avec une équipe d’artistes à la réalisation d’une œuvre d’art interactive qui était présentée au complexe STEM. J’étais responsable des éléments relevant de l’ingénierie, mais cela m’a permis de découvrir la manière de travailler des artistes et leur façon de voir le monde. C’est là, également, que j’ai rencontré Jennifer.
Willem Deisinger (WD) : J’ai commencé des études en génie – c’est là que Devansh et moi sommes devenus amis – pour ensuite explorer d’autres disciplines et choisir la philosophie. Je m’étais intéressé aux beaux-arts à l’école secondaire et j’avais continué à faire un peu de graphisme, si bien qu’il y a un an, j’ai choisi de m’inscrire à un cours d’art à l’Université, dans le but de me lancer un défi. C’était le cours de Jennifer.
Jennifer Macklem (JM) : Nous remettons en question les stéréotypes et montrons que les ingénieurs peuvent avoir une démarche artistique, que les artistes peuvent penser comme des ingénieurs. L’Université est un endroit idéal pour briser les frontières entre les disciplines.
Comment en êtes-vous venus à travailler ensemble sur ce projet avec AMC?
WD : C’est une histoire assez drôle, en fait! J’étais dans l’atelier de menuiserie en train de finir mon travail de session pour le cours de Jennifer, tout en travaillant avec Devansh sur un petit projet parallèle. Jennifer est venue voir si tout se passait bien, et on s’est alors rendu compte qu’on se connaissait tous les trois.
JM : Je me souviens de leur avoir dit à quel point ce serait amusant si on pouvait travailler ensemble tous les trois. On rêvassait!
WD : Environ une semaine plus tard, tu as reçu le courriel d’Affaires mondiales Canada annonçant qu’on cherchait des artistes pour l’initiative Les données prennent forme.
C’est ainsi que « sculpture squad » (l’équipe de sculpture) a été lancée!
Quelles ont été vos sources d’inspiration?
JM : AMC nous a fourni trois différents ensembles de données décrivant leurs programmes de coopération internationale. Il s’agissait de mettre en évidence le nombre de pays où ces programmes sont mis en œuvre, le nombre de personnes qui y prennent part ainsi que le soutien que le programme procure à l’échelle internationale et locale.
Nous nous sommes inspirés de la multiplicité des pays partenaires. Nous avons trouvé des textiles et des tissus venant de chacun de ces pays, et les avons réunis pour suggérer l’idée du globe. Les textiles sont une expression créative de l’identité culturelle. Nous avons ensuite conçu l’icône de la main, qui symbolise un geste de rapprochement, de soutien, de communication et d’assistance. Les différentes couleurs des mains correspondent à différents ensembles de données.
Les arts visuels ne viennent pas spontanément à l’esprit comme moyen de présenter des données. Pourquoi cela fonctionne-t-il si bien, selon vous?
JM : Les tableaux de données ne provoquent pas vraiment d’émotions. Ils semblent très abstraits. C’est aussi le cas des arts visuels, mais les couleurs et les images viennent solliciter l’imagination et faire naître un récit. Il en résulte une expérience plus holistique pour le spectateur.
DS : En voyant un chiffre comme 5 millions, par exemple, vous comprenez que c’est un nombre important, mais vous n’avez pas vraiment une vision concrète de ce qu’il signifie. Mais si vous voyez cette idée illustrée dans une œuvre d’art par 5 millions de mains imprimées, en relation avec d’autres représentations, cela vous aide à mieux comprendre l’ordre de grandeur. Ça vous parle davantage.
Quels ont été les aspects les plus stimulants et les plus satisfaisants de votre projet?
DS: Notre œuvre est appelée à voyager. La question du transport nous a donc imposé des contraintes importantes. Il a fallu imaginer un concept pouvant être chargé à bord d’un avion, et facilement démonté puis réinstallé par une petite équipe. Nous avons eu l’idée des structures modulaires en textile de type softblock. Une fois repliés, ils sont de la taille d’un livre, mais ils atteignent 14 pieds quand on les déploie, c’est impressionnant.
JM : Ce travail peut aussi être déstabilisant. Notre démarche a comporté une bonne part d’essais et erreurs. Mais c’est très gratifiant de faire tout ça en équipe. Ça permet de débattre sur des idées, de mettre nos forces en commun et de partager à la fois le processus et les risques qui y sont associés.
WD : Tout le processus a été très enrichissant. On a pu partager des idées et réfléchir pour avoir une perspective différente. On n’a jamais cessé de progresser, en déterminant ensemble ce qui fonctionnerait le mieux compte tenu des contraintes et en explorant de nouvelles approches. J’ai adoré l’expérience de revenir inlassablement à la charge tout en allant constamment de l’avant.
JM : C’était vraiment génial de travailler avec ces jeunes esprits brillants, et aussi de collaborer avec AMC, qui a des programmes extraordinaires et des valeurs humanitaires auxquelles j’adhère.
Les trois artistes se disent très reconnaissants d’avoir eu l’occasion de travailler avec Affaires mondiales Canada dans le cadre de ce programme.