À 18 ans, Aurel Dubé a décidé de faire sa vie dans les Forces armées canadiennes, où il a fièrement servi pendant plus de vingt ans.
Après une enfance difficile en famille d’accueil, Aurel Dubé a quitté le système à 18 ans. Il a choisi l’armée parce qu’il n’avait pas d’autre option.
« Je savais qu’en entrant dans l’armée, j’aurais un emploi, dit-il. On vous entraîne, on vous paye et on vous nourrit. Je n’avais pas le choix de m’y faire, même si l’entraînement n’était pas facile au début. Si j’abandonnais, je n’avais nulle part où aller. »
C’était en 1983. Il a passé les 22 années suivantes dans les Forces armées canadiennes et a fini par travailler comme soldat de maintien de la paix à Chypre, en Haïti et en Bosnie-Herzégovine, où il était membre de la section des mortiers.
Ce lundi 11 novembre, Aurel Dubé déposera la toute première couronne au nom des Autochtones à la cérémonie du jour du Souvenir de l’Université d’Ottawa.
Forcé de cacher ses origines
M. Dubé, qui est né dans la réserve algonquine de Kitigan Zibi, dans l’ouest du Québec, explique qu’au début de sa carrière militaire, il tenait à ce que le moins de personnes possible sachent qu’il était Autochtone.
« Des fois, quelqu’un me demandait si j’étais autochtone, et je répondais oui, même si je savais à quoi je m’exposais. La réaction n’était pas toujours bonne, je me suis fait harceler. »
Malgré tout, il est fier d’avoir suivi les traces des nombreux militaires métis, inuits ou membres des Premières Nations. Selon Anciens Combattants Canada, plus de 4000 Autochtones ont servi durant la Première Guerre mondiale, et 3000 durant la Deuxième. Le nombre réel est sans doute beaucoup plus important, explique Aurel Dubé, puisque bien de gens, comme lui, cachaient leurs origines autochtones en s’enrôlant dans l’armée.
La crise d’Oka
Après avoir travaillé aux quatre coins du monde, Aurel Dubé a été marqué à jamais par une mission au pays.
En 1990, il a été mobilisé pour la crise d’Oka, où l’armée canadienne affrontait des militants mohawks. Il était déchiré de se retrouver du côté des militaires durant le conflit, situation qui a aussi causé des frictions dans sa famille à Kitigan Zibi.
Pendant la crise d’Oka, Waneek Horn-Miller, alors une adolescente de 14 ans, a reçu un coup de baïonnette d’un soldat. Aurel Dubé dit avoir longtemps traîné un sentiment de culpabilité par rapport à ce drame, jusqu’à ce qu’il tombe sur la jeune femme à un événement il y a quelques années.
« Je lui ai dit que je voulais m’excuser parce que j’avais été la crise d’Oka, du côté des militaires, contre mes frères », dit-il.
« Ça m’a beaucoup soulagé », dit-il en parlant de l’effet que cette conversation a eu sur lui.
Les choses ont changé pour les jeunes militaires autochtones
Malgré les défis et les difficultés qui ont jalonné ses années dans l’armée, Aurel Dubé encourage les jeunes Autochtones à envisager une carrière militaire.
Les jeunes Métis, Inuits ou membres des Premières Nations, dit-il, peuvent maintenant fièrement afficher leurs origines dans les programmes de l’armée, où ils ont accès à des aînés et sont encouragés à s’informer au sujet des pratiques traditionnelles.
« Aujourd’hui, en 2019, l’armée n’est plus ce qu’elle était, dit-il. Il existe beaucoup de programmes qui permettent aux jeunes de faire un essai. »
« Certains Autochtones ont peur d’être isolés s’ils entrent dans l’armée, poursuit-il. Mais s’ils passent par le programme autochtone, ils seront entourés d’autres Autochtones qui viennent de plein de communautés différentes. »
Vétéran et fier de l’être
Aurel Dubé a quitté la vie militaire en 2005 en raison d’une grave blessure au dos subie lors de sa dernière mission.
« Sans cette blessure, je serais encore dans l’armée, car j’ai vraiment aimé ma carrière », dit-il.
Aujourd’hui, il occupe son temps à soutenir les vétérans autochtones et à défendre leurs intérêts, ainsi qu’à assister à des événements comme la cérémonie du jour du Souvenir de l’Université d’Ottawa.
Tous les membres de la communauté universitaire sont invités à s'inscrire pour assister à la cérémonie, qui aura lieu à la Rotonde du pavillon Tabaret à 9 h 30.