Zita Cobb, figure reconnue de l’entrepreneuriat social, fondatrice du célèbre Fogo Island Inn, ex-cadre de JDS Uniphase et invitée d’honneur au Débat du chancelier du printemps 2019, a vu très tôt ce qu’était le leadership, avant même de connaître le mot. À ce jour, elle croit fermement que les actions en disent plus long que les mots, qui ne sont pas toujours fiables.
« Le leadership, c’est comme l’amour, la durabilité et d’autres mots qui ne veulent plus rien dire à force d’être utilisés à toutes les sauces. Il est important que les gens renouent avec la vraie définition du leadership », a-t-elle récemment confié à La Gazette.
Qu’est-ce que le leadership selon Zita Cobb?
C’est ce qu’elle a expliqué à la communauté universitaire le 20 mars dernier, en compagnie de Calin Rovinescu, chancelier de l’Université d’Ottawa et président et chef de la direction d’Air Canada. Ensemble, ils ont discuté de la vraie raison d’être des affaires dans un débat intitulé De la parole à l’acte : le leadership stratégique et la durabilité fondamentale à l’ère du cynisme. Zita Cobb a accepté avec plaisir de nous faire part de ses idées. Lorsqu’on lui demande sa conception du leadership, elle commence par une histoire.
«J’ai grandi dans des circonstances très particulières sur l’île Fogo, à Terre-Neuve. Mon père gagnait sa vie en mer, sur un petit bateau de bois. Nous étions sept enfants, ce qui était assez peu à l’époque. Quand il prenait la décision de partir en mer, parfois avec mes frères, en essayant de choisir un moment où la météo serait clémente, il comprenait les risques. Moi, je me disais qu’à sa place, je serais allée me terrer sous un lit tant ça me faisait peur. Mais lui ne s’est jamais défilé. Il savait ce qu’il fallait faire, savait ce qui nous arriverait s’il ne le faisait pas, alors il s’exécutait. »
«Par contraste, on observe souvent un drôle de phénomène quand on rassemble des gens. Tout le monde se regarde en disant : “Il faudrait faire telle ou telle chose.” Personne n’est aveugle, tout le monde sait ce qu’il faut faire, mais on voit peu souvent, même pas la moitié du temps, quelqu’un se lever et dire : “OK, pourquoi pas moi? J’en ai les capacités et je veux le faire, parce que je pense que c’est important. Je n’attendrai pas que quelqu’un d’autre le fasse à ma place ou me donne sa bénédiction.” »
« Mon père m’a légué ce réflexe de me demander : si je ne le fais pas, qui le fera? Je ne peux pas tenir les autres responsables de changer le monde à ma place si je n’y travaille pas moi-même de mon mieux tous les jours. »
L’intégrité, les idées, la vision et, surtout, les actions de Zita Cobb ont fait d’elle une chef de file du mouvement de l’entrepreneuriat social. Elle prêche par l’exemple, ayant elle-même investi 40 millions de dollars dans la construction d’une entreprise à vocation sociale durable et renommée mondialement sur sa petite île natale. Pour cette femme brillante qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, le but des affaires est d’abord et avant tout de changer le monde, et non pas de remplir les poches des actionnaires.
« Je crois que les affaires sont un de nos atouts les plus précieux, dit-elle. C’est une des meilleures façons d’accomplir des choses, de résoudre des problèmes et de renforcer le tissu social. Pour moi, il n’y a pas de vocation plus noble. »
« Cela dit, il est important d’encadrer tout ça, dit-elle, parce que je crois que notre époque est aveuglée par l’argent. Les gens sont accros au profit et ça ne peut plus durer. J’aimerais que nous soyons un exemple contagieux d’entreprise qui fait de l’argent pour accomplir des choses, et non uniquement par appât du gain. Faire de l’argent pour faire de l’argent, ce n’est pas une vocation. Je ne sais pas à quoi ça rime. »