Créé en 1992, le JPC est l’un des programmes de formation les plus renommés de l’ICCROM. Pour l’année 2025, 165 professionnels issus de 60 pays ont déposé leur candidature et seulement dix ont été sélectionnés après un processus de sélection rigoureux. Les participants provenaient de l’Argentine, de l’Australie, des Émirats arabes unis, des États-Unis, de l’Irlande, de l’Italie, de la Malaisie, de la République tchèque, du Royaume-Uni et du Canada.
Découverte du washi et des techniques japonaises
Pendant trois semaines, les participantes et participants ont exploré l’univers du washi, le papier traditionnel japonais, en approfondissant leurs connaissances de ses caractéristiques, de ses procédés de fabrication et de ses techniques de restauration. Ils et elles ont également étudié l’importance culturelle du washi et la manière dont le Japon organise la préservation et la transmission de ce savoir-faire ancestral.
Le JPC répond à un besoin rarement comblé en dehors du Japon, puisqu’il est exceptionnel de pouvoir suivre une formation complète sur les matériaux et techniques traditionnels japonais. Le programme vise à transmettre ce savoir-faire aux professionnels étrangers et à créer des ponts entre les pratiques japonaises et occidentales afin de mieux les appliquer à la sauvegarde du patrimoine culturel.
Apprentissage pratique et immersion culturelle
La première et la troisième semaines ont été principalement consacrées à des ateliers pratiques dans les locaux de TOBUNKEN, à Tokyo. Une partie importante du programme était dédiée à la réalisation d’un emaki, un rouleau narratif peint datant de la période de Nara (710–794). Les participants ont monté, étape par étape, une page d’un livre japonais en rouleau, selon les techniques traditionnelles :
- nettoyage et lissage de l’œuvre (honshi);
- comblement des pertes causées par les insectes;
- renforcement des zones fragiles avec des charnières de papier (orefuse);
- application de washi pour le doublage;
- confection d’une couverture teinte à l’indigo (hyoshi) et d’une bordure protectrice (mikaeshi);
- fabrication et installation de la tige en bois (jukugi) pour l’enroulement.
Chaque étape était démontrée par les professeurs Sayaka Inoue, Yosuke Kinoshita et Yusei Saeki, avant d’être reproduite par les participants. Ces exercices mettaient en lumière les fondements de la conservation du papier : l’utilisation de colle d’amidon de blé comme adhésif et du washi comme matériau de réparation et de doublage.
En complément, des cours théoriques approfondis ont abordé la fabrication de différents adhésifs, l’identification des types de washi, la confection et l’entretien des pinceaux traditionnels, ainsi que la manipulation et la conservation adéquate des paravents et peintures suspendues. L’avant-dernier jour, les fabricants de pinceaux Tanaka ont offert une conférence détaillée sur les pinceaux utilisés en conservation, en présentant les spécificités des poils de chèvre, de cerf, de cheval, de blaireau, et les méthodes d’entretien appropriées.
La formation a également mis en évidence le profond respect que les Japonais portent à leurs matériaux et à leur outillage. Les participantes et participants ont été sensibilisés à l’importance d’un entretien méticuleux : nettoyage soigné des pinceaux (bake) et des bols à adhésif (noribon), utilisation précise de la spatule afin de préserver la délicate structure des crins de cheval, cuisson maîtrisée de l’amidon de blé et affûtage régulier des couteaux. Ces gestes, à la fois précis et méthodiques, rappellent que la qualité du travail de conservation repose sur une attention soutenue à la préparation et à l’entretien des instruments de travail.
Voyage d’étude à Nagoya, Mino et Kyoto
La deuxième semaine a été consacrée à un voyage d’étude au cœur du Japon, avec des visites à Nagoya, Mino et Kyoto. Ce parcours a permis aux participantes et participants de découvrir divers ateliers de restauration, magasins d’outils et de matériaux, ainsi que plusieurs sites historiques, offrant une immersion unique dans le patrimoine culturel japonais et dans les pratiques locales de conservation.
L’arrêt le plus marquant fut celui de la ville de Mino, reconnue depuis le VIIIᵉ siècle comme l’un des principaux centres de production de washi et inscrite en 2014 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Les participants y ont visité l’atelier Minotakekami Kobo, où ils ont pu observer et participer à la fabrication de feuilles de washi sous la direction de Toyomi Suzuki. Les artisans leur ont présenté l’ensemble du processus traditionnel : la fabrication des tamis en bambou, la préparation de l’écorce de kozo en pâte à papier, la formation des feuilles par le mouvement de la pâte sur le tamis, ainsi que le séchage sur des planches de bois.
Le voyage s’est poursuivi à Kyoto avec la visite de l’atelier traditionnel de restauration Oka Bokko-do Co., LTD, ainsi qu’une halte dans la boutique de couteaux japonais Kanetaka Hamonorouho Inc., où Yoshitaka Yamada, septième génération de forgerons de la famille, fabrique encore chaque pièce à la main dans l’atelier situé à l’arrière de la boutique.
Retombées pour le CRCCF
Cette expérience immersive et hautement spécialisée permettra à Gabriela Rosas de mettre les connaissances acquises au service des collections du CRCCF. L’apprentissage des techniques traditionnelles japonaises, de l’utilisation du washi et de la colle d’amidon de blé, ainsi que des protocoles de manipulation des œuvres sur papier, viendra renforcer les pratiques de conservation préventive et de restauration au sein du Centre.
Le CRCCF prévoit d’intégrer ces savoir-faire dans son programme de restauration interne, notamment pour le traitement des documents fragiles et des pièces rares, et de les partager avec les collègues et la communauté universitaire. Cette expérience a également permis à Gabriela Rosas de tisser des liens précieux avec les neuf autres participants venus des quatre coins du monde, créant ainsi un réseau international d’expertise qui pourra être mobilisé pour de futurs échanges de connaissances, collaborations et projets en conservation. Cette participation contribue à l’essor d’une expertise unique en conservation du papier au Canada et à la préservation à long terme du patrimoine documentaire francophone.