Jeux Franco-ontariens 1996
Rassemblement lors des 3e Jeux Franco-Ontariens à Chelmsford en 1996. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds FESFO
Quand on pense au sport, on imagine les compétitions, la performance, les médailles. Mais pour la communauté franco-ontarienne, le sport a souvent été bien plus que ça, à savoir un outil de fierté et de rassemblement.

Dans cet épisode de Parlez-moi de l’Ontario français, Christine Dallaire, professeure à l’École des sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa, et Félix Saint-Denis, animateur culturel et créateur de fierté franco-ontarienne, reviennent sur la naissance et l’esprit des Jeux franco-ontariens, un événement unique qui, depuis les années 1990, a contribué à forger l’identité d’une génération de jeunes francophones.

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Un terrain de jeu pour la francophonie

Au début des années 1990, le sport est l’activité de loisir la plus populaire chez les jeunes au pays. Pour Christine Dallaire, chercheuse à l’Université d’Ottawa, c’était l’occasion rêvée de lier plaisir et appartenance linguistique.

« Le sport, c’est collectif, c’est engageant. Si on veut que les jeunes s’identifient à la francophonie, il faut que le français soit associé à quelque chose de plaisant. »

L’idée paraît simple, mais elle était révolutionnaire : pratiquer un sport en français, dans un environnement où la langue de Molière est souvent absente des gymnases, des terrains et même du vocabulaire sportif.

Réinventer le modèle

La FESFO (Fédération de la jeunesse franco-ontarienne) aurait pu reproduire les modèles existants, comme les Jeux de l’Acadie, mais elle a choisi de réinventer la formule.

Plutôt qu’un tournoi école contre école, la FESFO fait venir deux jeunes par école, un garçon et une fille, qui sont ensuite intégrés à des équipes mixtes formées sur place.

« On voulait briser les rivalités et bâtir des amitiés. Sur chaque équipe, il y avait un jeune de Hearst, un autre de Toronto, un autre de Windsor… », raconte Christine Dallaire.

Autre innovation : les Jeux deviennent multivolets – on y trouve non seulement du sport, mais aussi de l’improvisation, des arts visuels et de la musique. L’objectif : valoriser tous les talents, pas seulement ceux qui marquent des buts.

De la vision à la fête

Pour Félix Saint-Denis, alors agent de développement à la FESFO, l’ambition était claire : créer un événement par et pour les jeunes, qui allait au-delà du sport.

« Les Jeux, c’était d’abord un exercice de leadership et de fierté. Le sport, c’était juste un des volets. »

Lors des premiers Jeux, en 1994, Félix Saint-Denis se souvient d’une énergie incroyable : « Quand Paul Demers a chanté Notre place et qu’on a déployé le drapeau franco-ontarien, tout le monde a eu des frissons. »

Ces moments collectifs ont profondément marqué les participantes et participants : une génération entière de jeunes se sont découvert une fierté d’être Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes.

Trois mots-clés résument la philosophie des Jeux : coopération, performance et fierté.

« Ce n’était pas juste du sport, dit Félix Saint-Denis. C’était un tremplin pour les artistes, les journalistes, les leaders. Beaucoup de jeunes ont trouvé leur voie là-dedans. »

Des moments qui changent tout

Christine Dallaire se souvient d’une cérémonie à Windsor. Sur scène, un jeune incarne Mathieu da Costa, un interprète africain pour les explorateurs français du XVIIe siècle.

« Commencer par un personnage noir pour raconter l’histoire de la francophonie ontarienne, c’était un geste fort. Ça montrait que notre communauté est diverse et inclusive. »

Pour Félix Saint-Denis, le souvenir le plus marquant reste celui d’un concours de saut en hauteur : « Quand le dernier athlète a sauté, tout le monde – amis, rivaux, profs – s’est levé pour l’encourager. C’était ça, l’esprit des Jeux : la fierté partagée. »

Et demain?

Les Jeux franco-ontariens se sont arrêtés en 2019, freinés par la pandémie. Mais l’esprit demeure.

« Les jeunes ont besoin de se rassembler, insiste la professeure Dallaire. Pas seulement en ligne. En personne, pour vivre des émotions fortes. »

« Je souhaite, ajoute Saint-Denis, qu’on célèbre tellement la franco-force de notre diversité qu’on n’ait plus besoin d’utiliser le mot diversité. »

Une relève à imaginer

Aujourd’hui, la balle est dans le camp des jeunes. Les anciens, comme Christine Dallaire et Félix Saint-Denis, leur lèguent une conviction : se rassembler, c’est se reconnaître.

Et que le français, même au cœur d’un match, d’un éclat de rire ou d’un saut en hauteur, peut devenir le moteur d’une identité vivante et fière.